20 et suiv.--Budd., _Isag_.,
lib. post., c. VII, p. 1126, etc.]
On a vu, en effet, comment il gouvernait la dialectique. Son procede
dans les questions epineuses etait d'exposer les diverses opinions, et
de les soumettre a un examen analytique, sous le double controle du
raisonnement et de l'autorite. Toutes les citations que la lecture avait
pu lui fournir, etaient passees en revue, discutees, interpretees; puis
il produisait son avis, en le raccordant a son tour avec ces citations
memes, qu'il parvenait a ramener subtilement a une apparence d'unite.
Cette methode exigeait une connaissance detaillee, tant des doctrines
des auteurs que des passages de leurs ecrits qui pouvaient etre invoques
pour ou contre telle ou telle solution. Ces solutions, soutenues
en these, ou favorisees en passant par des propositions isolees,
s'appelaient des sentences, _sententiae_. L'art de la controverse etant
d'opposer les autorites aux autorites, et de deconcerter une proposition
par une citation imprevue, tout esprit qui voulait briller dans cette
sorte d'escrime, devait se faire un arsenal complet de toutes les armes
dont il pouvait avoir a diriger ou a repousser les coups; et c'est
pour cela que des recueils de citations etaient indispensables aux
philosophes de l'ecole, afin que la soudainete de leurs objections fut
egale a l'a-propos de leurs reponses.
Ce fut donc un titre assez commun parmi les ecrits du temps que celui de
livre des sentences, _liber sententiarum_; et le plus celebre recueil
qui ait porte ce nom, est le manuel theologique de Pierre Lombard, qui
fut eveque de Paris sept ans apres la mort d'Abelard. Ce livre exerca
pendant plusieurs siecles une grande autorite: il devint la base de
renseignement theologique dans l'Universite de Paris, et l'on cite
ordinairement le docte prelat comme le chef et le fondateur de cette
ecole de theologiens appeles les docteurs sententiaires (_doctores
sententiarii_), par opposition a ceux qui portent le nom de docteurs
bibliques (_biblici_). Ce fut une ecole nouvelle, plus savante, plus
logique, plus aristotelique que l'ecole ancienne qui, discutant moins,
approfondissait moins peut-etre, mais aussi ne provoquait ni le doute ni
la dispute, et qui, fidele a son enseignement synthetique, voyait avec
inquietude une eristique toute profane envahir le domaine entier de la
science sacree[164].
[Note 164: Moshem., Secul. XII, pars II, c. III, sec. 8.]
Il y eut donc, au XIIe siecle, deux
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