pleter
mutuellement, toutes deux travaillant bientot a se mutuellement dominer;
et soudain ce commerce, cet echange entre les deux etudes fit eclore,
avec de nouvelles questions, avec des theories nouvelles qui semblaient
enrichir l'une et l'autre, des occasions de divergence et de conflit.
Tandis que la dialectique venait armer la theologie, qui pretendait
la proteger, celle-ci entrait sans cesse en defiance de son exigeante
auxiliaire, et demelant en elle une independance cachee, elle craignait
le sort des monarques asservis ou effaces par leur ministre: elle
croyait voir un maitre du palais s'asseoir pres du trone d'un roi
faineant[161].
[Note 161: La creation de la theologie moderne ou la transformation de
la religion en une science abstraite et bientot scolastique, est exposee
avec autant d'instruction que de sagacite dans un ouvrage remarquable,
intitule _The scholastic philosophy considered in its relation to
christian theology._ L'auteur, M. Hampden, professeur royal de theologie
a l'universite d'Oxford, nous a souvent instruit et guide, et son livre
meriterait d'etre traduit. (1 vol. in--8 deg., 2 deg. ed. Londres, 1837.)]
Il n'est donc pas douteux que les heresies de Berenger et de Roscelin
n'eussent excite des debats favorables aux progres generaux de l'esprit
dialectique. Le danger, pour le dogme, de l'introduction de certaines
doctrines dans la science, avait determine les uns a modifier ces
doctrines pour les rendre innocentes et compatibles avec l'enseignement
de l'Eglise, les autres a s'instruire plus a fond des ressources de la
logique, pour en repousser plus facilement les attaques et en assurer
le concours a l'orthodoxie. On connait tres-imparfaitement les systemes
d'Anselme de Laon, de Guillaume de Champeaux, de Bernard de Chartres,
mais sans nul doute chacun d'eux a travaille dans son genre a rendre
la theologie plus scientifique: Anselme discutait les textes, Bernard
platonisait, Guillaume, grand logicien, raisonnait sur les termes du
dogme et les passait au crible de la dialectique; on a dit que le
premier il avait rendu la theologie contentieuse[162].
[Note 162: _Hist. litt. de la France_, t. X, p. 308.--_J. Saresb. _., t.
III, c. ix.]
Mais aucun n'a brille dans l'ecole d'autant d'eclat qu'Abelard; nul n'a
porte dans les discussions argutieuses de la dialectique une subtilite
plus facile, une lucidite plus eblouissante. Il passait pour avoir une
intelligence particuliere des secrets d'Ari
|