t subtil, enthousiaste et raisonneur, a recompose cette science
methodique et dominatrice que le libre genie des Orientaux avait bien
pu, comme tout le reste, decouvrir en se jouant, mais a laquelle il ne
se fut jamais enchaine. Cette renovation de la theologie date pour nous
du XIe siecle.
Les ecrivains protestants[155] s'efforcent de la rattacher aux
usurpations de Gregoire VII, a la codification des fausses decretales, a
l'etablissement des ordres monastiques, enfin a toutes les choses qu'ils
detestent comme elle. Ils veulent faire de la theologie scolastique un
des abus de la cour de Rome, un des crimes de la politique pontificale.
C'est une erreur. Cette theologie put s'unir aux institutions, se meler
aux evenements, mais son histoire appartient surtout a l'histoire
de l'esprit humain, dont elle fut l'oeuvre desinteressee et le
developpement spontane. La scolastique merite son nom, elle vient des
ecoles; elle n'est point une combinaison de gouvernement, mais une phase
de la science humaine, qui s'explique par des antecedents eminemment
litteraires et academiques, et il etait impossible qu'elle ne reagit pas
tot ou tard sur la theologie. Loin d'avoir ete inventee pour le service
de l'Eglise ou de la papaute, la theologie scolastique est devenue
souvent suspecte a l'une et a l'autre, quoiqu'elle ait enfin reussi a
s'en faire accepter, et ce n'est pas sans effort qu'elle a surmonte les
defiances de la portion la plus gouvernementale du clerge. A la longue
sans doute elle a domine l'enseignement ecclesiastique, et c'est
pourquoi elle est devenue avec le temps la forme et l'auxiliaire de
cette autorite en matiere de pensee, contre laquelle devait se soulever
un jour, a des titres divers, l'esprit d'examen sous le nom de
reformation ou de philosophie.
[Note 155: Buddee, Tribbechovius, Heumann, etc.]
Mais au debut, ceux qui l'avaient introduite dans le monde savant
etaient, nous l'avons vu" des novateurs. Quelques auteurs veulent que le
premier d'entre eux ait ete Lanfrano de Pavie, archeveque de Canterbery,
ou saint Anselme, son successeur; d'autres ne placent cette origine
qu'au temps de Pierre Lombard, ou descendent jusqu'au temps d'Alexandre
de Hales. Une opinion intermediaire fait dater de Roscelin la
philosophie scolastique, et d'Abelard la theologie[156]. "C'est depuis
Abelard," dit le docte abbe Tritheme, qui certes n'entend pas lui donner
un eloge, "que la philosophie seculiere a commence de souiller la
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