re a saint Jerome, celle
qui s'appelait _ciniphes_[147]. Mais c'est surtout dans le grand esprit
de saint Augustin que la lutte de la philosophie et de la foi s'engage
avec eclat et se termine par la defaite de la premiere. L'issue du
combat parait longtemps douteuse. Suivant les instants, les questions,
les ouvrages, nous le voyons incertain pencher tour a tour de l'un on
l'autre cote. Il aime la science, le raisonnement, les lettres antiques;
son esprit est eleve, subtil, meme un peu paradoxal; mais il ramene
et immole tout a l'Eglise; et apres avoir dit que si les sages de
l'antiquite revenaient, ils auraient a changer peu de mots et peu
d'idees pour devenir chretiens, il finit par les accuser d'avoir retenu
la verite dans l'Iniquite, parce qu'ils ont philosophe sans mediateur.
Nous verrons Abelard s'appuyer tour a tour, en sens divers, des
contradictions de saint Augustin, qui croyait connaitre Platon, et
qui, n'ayant guere lu que Ciceron, etait devenu, comme lui, _magnus
opinator_[148]. Un scepticisme academique doit aboutir chez un chretien
au sacrifice de la philosophie.
[Note 146: Ambros., _In psalm_. CXVII, serm. XI.--_De offic. minist._,
I, XIII.--_Expos. in Luc._, V.]
[Note 147: Hieronym., _In psalm_. CIV.--Aug., _Serm._ LXXXVII.]
[Note 148: _De ver. relig._, IV--_Retract._, I, 1,4.--_De Trin._, XIII,
XIX, 24.--_Confess._ III, IV et VII, XX.--_De Doct. Christ._, II, XI. et
XVIII.
Nous ne voyons pas poindre encore la theologie scolastique; c'est la
philosophie en general qui succombe: le peripatetisme n'est pas seul en
cause; le stoicisme, avec sa logique aigue et disputeuse, ne jouit
pas d'un meilleur renom, et le platonisme est reconduit avec quelques
louanges hors du giron de l'Eglise; d'autant qu'on ne le distinguait pas
bien du neo-platonisme qui, tantot par l'audace de sa polemique directe,
tantot par la seduction de ses dogmes eleves et de sa mysticite
sublime, menacait tout autrement le christianisme, et pouvait, s'il ne
rencontrait une resistance energique, lui debaucher ses plus grands
genies.
Durant les cinq premiers siecles, la part du peripatetisme se reduit
communement a l'emploi de quelques formules isolees qui ont passe dans
la circulation, a l'usage au moins implicite du syllogisme, ce qui n'est
pas une opinion, mais une necessite de la controverse et meme de la
raison, au maintien de la distinction de la matiere et de la forme,
distinction, au reste, commune a Platon et a son rival
|