iments et les croyances, l'esprit du Nord et celui du
Midi, le caractere germain et la civilisation romaine, il y eut
alors alternative d'opposition et de fusion entre la religion et la
philosophie. Sans parler des conflits du pouvoir ecclesiastique et du
pouvoir civil, le monde intellectuel admit lui-meme deux autorites,
l'antiquite et la religion, et ces autorites s'accorderent ou se
combattirent tour a tour. Tantot Aristote devint chretien, et l'Evangile
revetit le peripatetisme; tantot, rompant tout commerce, la theologie
repoussa la philosophie, proscrivit son alliee de la veille, ou fit
alliance avec une doctrine nouvelle contre celle qu'elle delaissait.
Elle appelait alors Platon a son secours contre Aristote; et puis, quand
le platonisme au genie libre, au mysticisme independant, avec l'ampleur
de ses dogmes sublimes et vagues, brisait les cadres etroits ou l'on
voulait l'enfermer, Aristote revenait en aide a la theologie, et,
l'armant de ses formules, de ses precisions severes, des subtilites
puissantes de son etreignante dialectique, il l'aidait a garrotter son
maitre, et a reprendre les formes immuables d'une croyance didactique
et d'une science exacte, jusqu'au jour ou, lasse enfin de ses alliances
diverses, elle secouait un joug etranger, et, dans son ingratitude,
anathematisait la raison et la science sous les noms de l'orgueil et de
l'heresie.
Ces disparates et ces contradictions se montrent a chaque pas dans
l'histoire intellectuelle du moyen age, et la philosophie depuis
Descartes, c'est-a-dire depuis qu'elle s'est secularisee, n'a pas
eprouve peut-etre plus de changements que la theologie depuis Alcuin
jusqu'a la reformation.
La raison dans la liberte de la reflexion est restee le caractere
dominant, le perpetuel drapeau de la science philosophique, dans
quelques mains qu'il ait passe, quels que soient les armees qui l'ont
suivi et le prix pour lequel elles ont combattu. Cette liberte n'etait
surement pas absolue, surtout dans l'expression; on a pu preter un voile
a la philosophie, emousser la pointe de ses armes; on a pu dissimuler
sa nature, on n'a pas pu la detruire. La scolastique n'a jamais cesse
d'etre une science rationnelle, meme lorsqu'elle s'est le plus attachee
a demeurer orthodoxe. Sans doute, l'immuable unite de doctrine,
c'est-a-dire l'interdiction du mouvement philosophique, n'a pas non plus
cesse d'etre en general le but et la pretention permanente de toutes
les ecoles theologiques;
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