faire bien sans y mettre de l'ambition. Ses dernieres mesures lui etaient
profitables sans doute, mais elles etaient en elles-memes prudentes et
utiles. La plupart meme lui avaient ete suggerees; car, dans une societe
qui se reorganise, tout vient s'offrir et se soumettre a l'autorite
creatrice. Mais il touchait au moment ou l'ambition allait regner seule, et
ou l'interet de sa propre puissance allait remplacer celui de l'Etat. Tel
est l'homme; il ne peut pas rester desinteresse longtemps, et il s'ajoute
bientot lui-meme au but qu'il poursuit.
Il restait au comite de salut public un dernier soin a prendre, celui qui
preoccupe toujours les instituteurs d'une societe nouvelle, c'est la
religion. Deja il s'etait occupe des idees morales en mettant _la probite,
la justice, et toutes les vertus, a l'ordre du jour_, il lui restait a
s'occuper des idees religieuses.
Remarquons ici chez ces sectaires le singulier progres de leurs systemes.
Quand il fallut detruire les girondins, ils virent en eux des moderes, des
republicains faibles, ils parlerent d'energie patriotique et de _salut
public_, et les immolerent a ces idees. Quand il se forma deux nouveaux
partis, l'un brutal, extravagant, voulant tout renverser, tout profaner;
l'autre indulgent, facile, ami des moeurs douces et des plaisirs, ils
passerent des idees d'energie patriotique a celles d'ordre et de vertu; ils
ne virent plus qu'une fatale moderation enervant les forces de la
revolution; ils virent tous les vices souleves a la fois contre la severite
du regime republicain; d'une part l'anarchie rejetant toute idee d'ordre,
et de l'autre, la mollesse et la corruption rejetant toute idee de moeurs,
le delire de l'esprit rejetant toute idee de Dieu; alors ils crurent voir
la republique attaquee, comme la vertu, par toutes les mauvaises passions a
la fois. Le mot de vertu fut partout; ils mirent la justice, la probite, a
l'ordre du jour. Il leur restait a proclamer Dieu, l'immortalite de l'ame,
toutes les croyances morales; il leur restait a faire une profession de foi
solennelle, a declarer en un mot la religion de l'etat. Ils resolurent donc
de rendre un decret a ce sujet. De cette maniere, ils opposaient aux
anarchistes l'ordre, aux athees Dieu, aux corrompus les moeurs. Leur
systeme de la vertu etait complet. Il mettaient surtout un grand prix a
laver la republique des reproches d'impiete dont elle etait poursuivie dans
toute l'Europe; ils voulaient dire ce qu'on dit t
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