grand
flambeau sur le chemin de l'humanite.
Quand, tout rempli depuis bien longtemps de ses pensees et s'assurant
sur une derniere lecture, recente, attentive et complete de ses
ouvrages, on essaye de se le representer a un de ces moments ou l'homme
le plus sautillant et repandu en tous sens, et _rimarum plenissimus_,
s'arrete, se ramene en soi et se ramasse, fixe et ordonne sa pensee
generale et s'en rend un compte precis, voici, ce me semble, comme il
apparait.--Positiviste borne et sec, impenetrable, non seulement a la
pensee et au sentiment du mystere, mais meme a l'idee qu'il peut y avoir
quelque chose de mysterieux, il voit le monde comme une machine tres
simple, bien faite et imparfaite, combine par un ouvrier adroit et
indifferent, qui n'inspire ni amour ni inquietude et qui est digne d'une
admiration reservee et superficielle.--Conservateur ardent et inquiet,
il a horreur de toute grande revolution dans l'artifice social et meme
de toute theorie politique generale et profonde ayant pour merite et
pour danger de penetrer et partant d'ebranler, en pareille matiere, le
fond des choses.--Monarchiste ou plutot despotiste, il ne trouve jamais
le pouvoir central assez arme, ni aussi assez solitaire, ne le veut ni
limite, ni controle, ni couvert ni appuye d'aucun corps,
aristocratie, magistrature ou clerge, qui ait a lui une existence
propre.--Antidemocrate et anti populaire plus que tout, il ne veut
rien pour la foule, pas meme (il le repete cent fois), pas meme
l'instruction; et, par ce chemin, il en revient a etre conservateur
acharne, _meme en religion_, voyant dans Dieu tel qu'il le comprend,
et dans le culte, et dans l'enfer, d'excellents moyens, insuffisants
peut-etre encore, d'intimidation.--Et ce qu'il reve, c'est une societe
monarchique dans le sens le plus violent du mot, et jusqu'a l'extreme,
ou le roi paye les juges, les soldats et les pretres, au meme titre;
ait tout dans sa main; ne soit pas gene ni par Etats generaux ni par
Parlement; fasse regner l'ordre, la bonne police pour tous, la religion
pour le peuple, sans y croire; soit humain du reste, fasse jouer les
tragedies de M. de Voltaire et mette en prison ses critiques. Il se
fache contre les philosophes de 1770 quand ils "mettent ensemble" les
rois et les pretres. Pour les rois, non, s'il vous plait! "Il ne s'agit
pas de faire une revolution comme du temps de Luther ou de Calvin, mais
d'en faire une dans l'esprit de ceux qui sont faits pour gouver
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