t cinq actes... On venait de pendre un de leurs
predicants a Toulouse; cela les rendait plus doux; mais on vient de
rouer un de leurs freres[68]..." Oui, sans doute, encore, il y a, dans
ces belles batailles pour Calas, Sirven, La Barre et Lally, beaucoup de
cet esprit processif qui etait chez Voltaire et tradition de famille et
forme de sa "combativite". Il a ete en proces toute sa vie et contre tel
juif d'Allemagne, ce qui exaspere Frederic, et contre de Brosses, et
contre le cure de Moens; et s'il y a dix memoires pour Calas, il y en a
bien une vingtaine pour M. de Morangies, lequel n'etait nullement une
victime du fanatisme.--N'importe, c'est encore un bon et vif sentiment
de pitie qui le pousse dans ces affaires des protestants, des maladroits
ou des etourdis. Pour Calas surtout, le parti qu'il prend lui fait un
singulier honneur; car, remarquez-le, il sacrifie plutot sa passion
qu'il ne lui cede. Ses rancunes auraient interet a croire plutot a un
crime du fanatisme qu'a une erreur judiciaire, sa haine etant plus
grande contre les fanatiques que contre la magistrature. Il hesite,
aussi, un instant; on le voit par ses lettres; puis il se decide pour le
bon sens, la justice et la pitie. Ce petit drame est interessant.
[Note 68: A Dalembert, 29 mars 1762.]
On le voit, d'une part sous l'influence de son temps, d'autre part
moitie influence de son temps, qui fut clement et pitoyable, moitie
propre impulsion et developpement, dans une heureuse direction, de ses
instincts intimes, Voltaire, par certaines echappees, s'est depasse, ce
qui veut dire s'est complete. Une partie de son oeuvre de penseur est
serieuse, c'est la partie pratique et _actuelle_; une partie (trop
restreinte) de son action sur le monde est bonne, ce sont des demarches
d'humanite et de bon secours. "_J'ai fait un peu de bien, c'est mon
meilleur ouvrage_", est un joli vers, et ce n'est pas une gasconnade.
Mais quand on en revient a l'ensemble, il n'inspire pas une grande
veneration, ni une admiration bien profonde. Un esprit leger et peu
puissant qui ne penetre en leur fond ni les grandes questions ni les
grandes doctrines ni les grands hommes, qui n'entend rien a l'antiquite,
au moyen age, au christianisme ni a aucune religion, a la politique
moderne, a la science moderne naissante, ni a Pascal, ni a Montesquieu,
ni a Buffon, ni a Rousseau, et dont le grand homme est John Locke, peut
bien etre une vive et amusante pluie d'etincelles, ce n'est pas un
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