fera-t-on croire que le polytheisme ait ete
persecuteur? A qui fera-t-on croire que Diocletien ait fait couler
le sang des chretiens? "Il n'est pas vraisemblable qu'un homme assez
philosophe pour renoncer a l'Empire l'ait ete assez peu pour etre un
persecuteur fanatique."--C'est surtout ce grand fait de gens qui ne sont
pas des chretiens persecutant ceux qui ne pensent pas comme eux qui
est pour Voltaire un scandale de la raison, et par consequent une
impossibilite, et par consequent un mensonge. Ce qu'il voit dans
l'histoire moderne, c'est des guerres religieuses entre chretiens;
donc il n'y a jamais eu de guerres religieuses qu'entre chretiens; la
persecution est de l'essence du christianisme, a ete inventee par
lui, et avant lui n'existait pas, et apres lui n'existera plus. Le
polytheisme a ete tolerant, le christianisme oppresseur, la philosophie
sera bienfaisante, et voila l'histoire universelle. Le polytheisme a ete
tolerant et doux. Qu'on ne parle a Voltaire ni des sacrifices humains
de Salamine, ni de la loi d'_asebeia_ comportant peine de mort, ni
d'Anaxagoras, ni de Diogene d'Apollonie, ni de Diagoras de Melos, ni de
Prodicus, ni de Protagoras, ni de Socrate. Il ignore, ou il attenue.
Dans sa chaleur indiscrete a attenuer les choses, il en arrive meme a
manquer d'esprit. Sans doute Socrate a bu la cigue. Mais Jean Huss,
Monsieur! Jean Huss a ete brule. "Quelle difference entre la coupe d'un
poison doux, qui, loin de tout appareil infame et horrible, _laisse_
expirer tranquillement un citoyen au milieu de ses amis, et le supplice
epouvantable du feu...!" Entendez-vous l'accent de M. Homais?--Qu'on ne
parle pas a Voltaire des persecutions subies par les chretiens pendant
quatre siecles, _parfois sous les meilleurs empereurs_. Ceci precisement
devait l'avertir que c'est chose naturelle aux hommes de tuer ceux qui
ne pensent pas comme eux; il n'en tire que cette conclusion que les
persecutions n'ont pas existe. Il les nie, ou les reduit a bien peu de
chose, ou les explique par des motifs politiques, ou, le plus souvent,
les passe absolument sous silence. Que des hommes qui ne sont ni
jansenistes ni jesuites aient fait couler le sang de leurs adversaires,
n'est-il pas vrai que cela ne s'est jamais vu? C'est impossible!
Evidemment. Donc c'est l'histoire qui se trompe.
A ne voir ainsi que l'homme de son temps, c'est sur l'homme que Voltaire
se trompe. Il ne peut atteindre jusqu'a cette idee que les hommes ont
toujo
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