ue
signifient-ils? Point d'aristocratie independante, sous aucune forme.
Montesquieu est a peu pres inintelligible.
Cette inaptitude radicale a sortir de soi est tout Voltaire. Elle fait
son caractere, elle fait sa conduite, elle fait sa politique; mais,
vraiment, elle fait aussi son histoire et sa philosophie. Elle devient,
en considerations historiques, en philosophie, bref en idees generales,
une maniere d'anthropomorphisme un peu naif, un peu etroit et a courtes
vues, qui est bien curieux a considerer. L'homme est anthropomorphiste
naturellement, fatalement, par definition, et presque par tautologie,
parce qu'il est homme. Il ne peut s'empecher, ni de se regarder comme le
centre de l'univers, et son but et sa cause finale;--ni de se tenir pour
le modele de l'univers, ne reussissant jamais a rien voir dans le
monde qu'il ne suppose constitue comme lui.--Voltaire lui-meme a bien
spirituellement indique cette tendance primitive et inevitable de
l'esprit humain. Une taupe et un hanneton causent amicalement dans le
coin d'un kiosque: "Voila une belle fabrique, disait la taupe. Il faut
que ce soit une taupe bien puissante qui ait fait cet ouvrage.--Vous
vous moquez, dit le hanneton; c'est un hanneton tout plein de genie qui
est l'architecte de ce batiment." Nous sommes tous hannetons et taupes
en cette affaire. Seulement nous le sommes plus ou moins selon, je
le repete, que nous avons une plus grande ou moindre puissance de
detachement. Le lien entre le caractere et l'intelligence est la plus,
intimement plus, qu'ailleurs. Voltaire, extremement personnel, est
anthropomorphiste essentiellement. Il n'a pas assez reflechi sur les
propos de son hanneton.
L'anthropomorphisme, en question d'histoire, consiste principalement a
croire que les hommes ont toujours ete tout pareils a ce que nous
les voyons, et a ce que nous sommes nous-memes. Voltaire a dans
son personnalisme cette source d'erreurs. Toutes les fois que dans
l'histoire quelque chose s'ecarte de la facon de penser et de sentir
d'un Francais de 1740, et particulierement de la facon de penser et de
sentir de M. de Voltaire, il crie; "c'est faux!" tout de suite.--"A qui
fera-t-on croire?...", "Comment admettre?...", "Il n'y a pas lieu de
croire?..." sont les formules favorites de son _Essai sur les moeurs_.
A qui fera-t-on croire que le fetichisme ait existe sur la terre? A
qui fera-t-on croire qu'il y ait eu souvent des immoralites melees aux
cultes religieux? A qui
|