che menacait les republicains les plus decides. Il
regnait une fureur incroyable de soupcons et d'accusations. La vie
revolutionnaire la plus longue et la mieux soutenue n'etait plus une
garantie, et on pouvait, en un jour, en une heure, etre assimile aux plus
grands ennemis de la republique. Les imaginations ne pouvaient pas se
desenchanter si tot de ce Danton, dont l'audace et l'eloquence avaient
soutenu les courages, dans toutes les circonstances decisives; mais Danton
portait dans la revolution la passion la plus violente pour le but, sans
aucune haine contre les individus, et ce n'etait pas assez. L'esprit d'une
revolution se compose de passion pour le but, et de haine pour ceux qui
font obstacle: Danton n'avait que l'un de ces deux sentimens. En fait de
mesures revolutionnaires tendant a frapper les riches, a mettre en action
les indifferens, et a developper les ressources de la nation, il n'avait
rien menage, et avait imagine les moyens les plus hardis et les plus
violens; mais, tolerant et facile pour les individus, il ne voyait pas des
ennemis dans tous; il y voyait des hommes divers de caractere, d'esprit,
qu'il fallait ou gagner, ou accepter avec le degre de leur energie. Il
n'avait pas pris Dumouriez pour un perfide, mais pour un mecontent pousse
a bout. Il n'avait pas vu dans les girondins les complices de Pitt, mais
d'honnetes gens incapables, et il aurait voulu qu'on les ecartat sans les
immoler. On disait meme qu'il s'etait offense de la consigne donnee par
Henriot le 2 juin. Il touchait la main a des generaux nobles, dinait avec
des fournisseurs, s'entretenait familierement avec les hommes de tous les
partis, recherchait les plaisirs, et en avait beaucoup pris dans la
Revolution. On savait tout cela, et on repandait sur son energie et sa
probite les bruits les plus equivoques. Un jour, on disait que Danton ne
paraissait plus aux Jacobins; on parlait de sa paresse, de ses
continuelles distractions, et on disait que la revolution n'avait pas ete
une carriere sans jouissances pour lui. Un autre jour, un jacobin disait a
la tribune: "Danton m'a quitte pour aller toucher la main a un general."
Quelquefois on se plaignait des individus qu'il avait recommandes aux
ministres. N'osant pas toujours l'attaquer lui-meme, on attaquait ses
amis. Le boucher Legendre, son collegue dans la deputation de Paris, son
lieutenant dans les rues et les faubourgs, et l'imitateur de son eloquence
brute et sauvage, etait traite de m
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