voir dispose de sa vie;
elle ecrit a Barbaroux, auquel elle raconte son voyage et son action dans
une lettre charmante, pleine de grace, d'esprit et d'elevation; elle lui
dit que ses amis ne doivent pas la regretter, car une imagination vive, un
coeur sensible, promettent une vie bien orageuse a ceux qui en sont doues.
Elle ajoute qu'elle s'est bien vengee de Petion, qui a Caen suspecta un
moment ses sentimens politiques. Enfin elle le prie de dire a Wimpffen
qu'elle l'a aide a gagner plus d'une bataille. Elle termine par ces mots:
"Quel triste peuple pour former une republique! il faut au moins fonder la
paix; le gouvernement viendra comme il le pourra."
Le 15, Charlotte Corday subit son jugement avec le calme qui ne l'avait
pas quittee. Elle repondit par l'attitude la plus modeste et la plus digne
aux outrages de la vile populace. Cependant tous ne l'outrageaient pas;
beaucoup plaignaient cette fille si jeune, si belle, si desinteressee dans
son action, et l'accompagnaient a l'echafaud d'un regard de pitie et
d'admiration.
Marat fut transporte en grande pompe au jardin des Cordeliers. "Cette
pompe, disait le rapport de la commune, n'avait rien que de simple et de
patriotique: le peuple, rassemble sous les bannieres des sections,
arrivait paisiblement. Un desordre en quelque sorte imposant, un silence
respectueux, une consternation generale, offraient le spectacle le plus
touchant. La marche a dure depuis six heures du soir jusqu'a minuit; elle
etait formee de citoyens de toutes les sections, des membres de la
convention, de ceux de la commune et du departemens, des electeurs et des
societes populaires. Arrive dans le jardin des Cordeliers, le corps de
Marat a ete depose sous les arbres, dont les feuilles, legerement agitees,
reflechissaient et multipliaient une lumiere douce et tendre. Le peuple
environnait le cercueil en silence. Le president de la convention a
d'abord fait un discours eloquent, dans lequel il a annonce que le temps
arriverait bientot ou Marat serait venge, mais qu'il ne fallait pas, par
des demarches hatives et inconsiderees, s'attirer des reproches des
ennemis de la patrie. Il a ajoute que la liberte ne pouvait perir, et que
la mort de Marat ne ferait que la consolider. Apres plusieurs discours qui
ont ete vivement applaudis, le corps de Marat a ete depose dans la fosse.
Les larmes ont coule, et chacun s'est retire l'ame navree de douleur."
Le coeur de Marat, dispute par plusieurs societes, res
|