istoire rappelle de pareilles
scenes, c'est pour apprendre aux hommes a reflechir sur l'effet des
preoccupations du moment, et pour les engager a bien s'examiner eux-memes
lorsqu'ils pleurent les puissances ou maudissent les vaincus du jour.
Pendant ce temps, le proces de la jeune Corday s'instruisait avec la
rapidite des formes revolutionnaires. On avait implique dans son affaire
deux deputes; l'un etait Duperret, avec lequel elle avait eu des rapports,
et qui l'avait conduite chez le ministre de l'interieur; l'autre etait
Fauchet, ancien eveque, devenu suspect a cause de ses liaisons avec le
cote droit, et qu'une femme, ou folle ou mechante, pretendait faussement
avoir vu aux tribunes avec l'accusee.
Charlotte Corday, conduite en presence du tribunal, conserve le meme
calme. On lui lit son acte d'accusation, apres quoi on procede a
l'audition des temoins: Corday interrompt le premier temoin, et ne
laissant pas le temps de commencer sa deposition: "C'est moi, dit-elle,
qui ai tue Marat.--Qui vous a engagee a commettre cet assassinat? lui
demande le president.--Ses crimes.--Qu'entendez-vous par ses crimes?--Les
malheurs dont il est cause depuis la revolution.--Qui sont ceux qui vous
ont engagee a cette action?--Moi seule, reprend fierement la jeune fille.
Je l'avais resolu depuis long-temps, et je n'aurais jamais pris conseil
des autres pour une pareille action. J'ai voulu donner la paix a mon
pays.--Mais croyez-vous avoir tue tous les Marat?--Non, reprend tristement
l'accusee, non." Elle laisse ensuite achever les temoins, et apres chaque
deposition, elle repete chaque fois: "C'est vrai, le deposant a raison."
Elle ne se defend que d'une chose, c'est de sa pretendue complicite avec
les girondins. Elle ne dement qu'un seul temoin, c'est la femme qui
implique Duperret et Fauchet dans sa cause; puis elle se rassied et ecoute
le reste de l'instruction avec une parfaite serenite. "Vous le voyez, dit
pour toute defense son avocat Chauveau-Lagarde, l'accusee avoue tout avec
une inebranlable assurance. Ce calme et cette abnegation, sublimes sous un
rapport, ne peuvent s'expliquer que par le fanatisme politique le plus
exalte. C'est a vous de juger de quel poids cette consideration morale
doit etre dans la balance de la justice."
Charlotte Corday est condamnee a la peine de mort. Son beau visage n'en
parait pas emu; elle rentre dans sa prison avec le sourire sur les levres;
elle ecrit a son pere pour lui demander pardon d'a
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