rat plonge dans son sang, et la jeune Corday calme, sereine,
immobile. Le commissionnaire la renverse d'un coup de chaise, la
gouvernante la foule aux pieds. Le tumulte attire du monde, et bientot
tout le quartier est en rumeur. La jeune Corday se releve, et brave avec
dignite les outrages et les fureurs de ceux qui l'entourent. Des membres
de la section, accourus a ce bruit, et frappes de sa beaute, de son
courage, du calme avec lequel elle avoue son action, empechent qu'on ne la
dechire, et la conduisent en prison, ou elle continue a tout confesser
avec la meme assurance.
Cet assassinat, comme celui de Lepelletier, causa une rumeur
extraordinaire. On repandit sur-le-champ que c'etaient les girondins qui
avaient arme Charlotte Corday. On avait dit la meme chose pour
Lepelletier, et on le repetera dans toutes les occasions semblables. Une
opinion opprimee se signale presque toujours par un coup de poignard; ce
n'est qu'une ame plus exasperee qui a concu et execute l'acte, on l'impute
cependant a tous les partisans de la meme opinion, et on s'autorise ainsi
a exercer sur eux de nouvelles vengeances, et a faire un martyr. On etait
embarrasse de trouver des crimes aux deputes detenus; la revolte
departementale fournit un premier pretexte de les immoler, en les
declarant complices des deputes fugitifs; la mort de Marat servit de
complement a leurs crimes supposes, et aux raisons qu'on voulait se
procurer pour les envoyer a l'echafaud.
La Montagne, les jacobins, et surtout les cordeliers, qui se faisaient
gloire d'avoir possede Marat les premiers, d'etre demeures plus
particulierement lies avec lui, et de ne l'avoir jamais desavoue,
temoignerent une grande douleur. Il fut convenu qu'il serait enterre dans
leur jardin, et sous les arbres memes ou le soir il lisait sa feuille au
peuple. La convention decida qu'elle assisterait en corps a ses
funerailles. Aux Jacobins, on proposa de lui decerner des honneurs
extraordinaires; on voulut lui donner le Pantheon, bien que la loi ne
permit d'y transporter un individu que vingt ans apres sa mort. On
demandait que toute la societe se rendit en masse a son convoi; que les
presses de l'Ami du Peuple fussent achetees par la societe, pour qu'elles
ne tombassent pas en des mains indignes; que son journal fut continue par
des successeurs capables, sinon de l'egaler, du moins de rappeler son
energie et de remplacer sa vigilance. Robespierre, qui s'attachait a
rendre les jacobins toujours p
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