ier plein de rats, expose a tous vents, assez bon,
neanmoins, pour recevoir le venerable vieillard qui s'y trouvait
relegue et a qui l'on faisait expier sa charite sociale en le traitant
avec mepris et en lui infligeant le dernier rang dans sa propre
demeure. On terminait par un appel genereux a la justice et a la
bonte. Pas de nom de personne, pas meme de nom de lieu. Comment
aurais-je soupconne des allusions? C'etait, pour un enfant, d'une
perfidie trop compliquee.
--C'est tout? interrogea grand-pere quand la voix irritee se tut.
--Il me semble que c'est assez.
--Oh! il n'y a pas de quoi fouetter un chat. Ce sont de vagues
generalites.
--Ah! c'est votre avis! declara mon pere. Ne sentez-vous pas tout ce
qu'il y a la dedans de venimeux et de deshonorant pour moi? N'avez-
vous pas toujours ete bien traite ici? Qui a voulu prendre le bout de
la table? Qui s'est installe, malgre nous, dans la chambre de la tour
? Qui de nous vous a manque de respect? Quand a-t-on neglige de vous
temoigner les soins les plus tendres et les plus deferents? De qui, de
quoi vous plaignez-vous? Pere, je vous en prie, l'heure est grave:
dites-le-moi...
Les adjurations se pressaient, se multipliaient, se precipitaient, et
la voix leur communiquait je ne sais quel accent pathetique dont je
tressaillis des pieds a la tete. Du coup, cet article obscur s'eclaira
pour moi et j'en saisis toute la signification. On accusait mon pere
de durete envers mon grand-pere. Et je revis la scene de l'abdication
et le demenagement ou j'avais joue mon role en portant la collection
du Messager boiteux de Berne et Vevey.
--Je ne me plains de rien, expliquait grand-pere, et je ne me suis
jamais plaint.
--Et de quoi vous seriez-vous plaint? Cette maison a continue d'etre
la votre. Je ne m'en suis reserve que les charges et la direction qui
vous fatiguait. Cependant on n'a pas invente ces calomnies.
--Oh! mon pauvre Michel, toutes ces histoires m'assomment. Je ne lis
pas les journaux et je m'en trouve fort bien. C'est un conseil que je
te donne.
--Parce que vous n'y etes pas attaque. Parce que je ne permettrai a
personne de vous y attaquer. Pour moi, le coup est parti du Cafe des
Navigateurs. Vous le frequentez encore, j'en suis sur. Je vous ai
pourtant informe que c'etait le rendez-vous de nos ennemis. Mais vous
mettez dans ces gens-la toute la confiance que vous me refusez.
--Oh! je vais ou je veux et je vois qui me plait.
--Vous etes libre,
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