ans mon orgueil, je refusai d'accuser le coup.
Ne serait-ce pas reconnaitre l'attrait de la maison? Puisqu'on
envisageait l'hypothese de mon depart, je previendrais ce complot et
demanderais moi-meme a partir. Oui, ce serait la punition que
j'infligerais a mes parents. A mes parents seulement?
Je ne pouvais demeurer la au risque d'etre surpris, et quelle honte
alors! J'achevai donc de tourner la poignee, et j'entrai. J'entrai
comme un personnage important, me raidissant contre l'emotion qui
m'etreignait.
--Je viens chercher un livre, declarai-je pour justifier ma presence.
Mon pere et ma mere, assis en face l'un de l'autre, me regarderent,
puis echangerent un regard. Je trouvai mon ouvrage sur la table qu'une
main diligente avait rangee, en hate je m'en emparai et voulus m'en
aller.
--Francois! appela ma mere.
Je m'approchai d'elle avec le visage renferme que je m'etais compose
pour resister aux larmes.
--Ecoute, mon petit, me dit-elle, --et des qu'on me traitait de petit,
je me redressais, --il faut toujours obeir a ton pere.
--Mais je l'ecoute bien.
Obeir! ce mot m'etait odieux. Mon pere me fixait de ses yeux percants
qui me genaient comme si je sentais la pointe de leur rayon. Il parut
hesiter, et sans doute il hesita entre le desir d'une explication et
le sentiment de son inutilite. De sa voix redevenue naturelle, et
partant autoritaire, il se contenta de me temoigner sa confiance:
--Nous parlions de toit precisement, ajouta-t-il.
--Oui, de toi, repeta ma mere un peux anxieusement.
Et je subis une sorte d'interrogatoire:
--Que feras-tu plus tard? me demanda mon pere; y songes-tu
quelquefois? Quelle vie aimeras-tu mener? Tu es en avance sur les
gamins de ton age. Tu as deja des gouts, des preferences. As-tu, comme
tes freres, choisi ta vocation?
Ma vocation? Je m'y attendais. On en parlait souvent a la maison, et
chacun devait remplir fidelement la sienne. Pendant ma maladie, et au
debut de ma convalescence, avant mes sorties avec grand-pere, j'avais
souvent pense et meme proclame que, plus tard, moi aussi, je serais
medecin. Je n'imaginais pas destin plus beau. J'avais cause a la
cuisine avec les paysans qui reclamaient le docteur, la bouche tordue
d'angoisse, et rencontre dans l'escalier le defile des malades qui
s'en venaient a la consultation avec des mines basses et s'en
retournaient ragaillardis. Bien que j'eusse cesse d'en parler, on
admettait chez nous que je continuerais mon per
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