ssoyeurs. Son zele
est magnifique, il se multiplie, il est de tous les convois. Quant au
Pendu, je le crois atteint.
--J'irai le voir, declara simplement tante Dine, ce qui lui valut de
son frere un regard d'etonnement et meme de reprobation.
Deja l'abbe, avec une aisance incomparable, passait des infortunes
particulieres aux calamites generales. La contagion ne tarderait pas a
se repandre au loin, elle finirait bien par atteindre Paris. Elle
decimerait la capitale, sentine de tous les vices, elle contraindrait
les hommes politiques a reflechir. Pour le renouveau moral elle
vaudrait une guerre. Et les lis refleuriraient.
--Ils refleuriront, ne manqua pas de repeter gravement tante Dine.
Le recit de ces malheurs futurs affecta grand-pere, qui changea le
cours de la conversation:
--Dites donc, l'abbe: si vous montez nous voir a l'Alpette, nous vous
donnerons des bolets Satan, et meme, si vous ne nous apportez pas trop
de facheuses nouvelles, des bolets tete de negre qui sont du moins
comestibles et d'un gout savoureux. Ou plutot non, ne vous derangez
pas. Il n'y a pas la-haut d'appareil a desinfecter, et vous seriez
capable de nous contaminer tous.
Le lendemain, un break attele de deux chevaux, retenu specialement
pour nous, vint nous prendre avec nos paquets. Mon pere surveilla lui-
meme l'embarquement qu'il precipita, car on le reclamait de tous les
cotes a la fois. A la maison, quand surgissait quelque difficulte, on
le cherchait immediatement et ce n'etait qu'une voix pour appeler:
_Monsieur Michel?_ ou est _Monsieur Michel?_ Maintenant, dans la ville
entiere, le cri de ralliement etait: _Monsieur Rambert_ ou, plus
brievement, le _docteur_ ou le _maire_.
--Oh! oh! persiflait grand-pere, il a de quoi commander.
Grand-pere se hissa le premier dans le vehicule, avec ses instruments
qui ne le quittaient pas, bien que la caisse a violon fut encombrante.
Il montrait, comme le petit Jacquot, une gaiete de collegien en
vacances. Jamais il n'avait temoigne un si vif attrait pour l'Alpette.
Louise, au contraire, et Nicole imitant sa soeur qu'elle admirait,
manifestaient une emotion que pour ma part j'estimais excessive. Elles
s'accrochaient a mes parents et versaient des larmes, comme s'il
s'agissait d'une absence prolongee.
--Allons, mes petites, dit mon pere, depechez-vous et soyez sans
crainte.
Les adieux que je lui fis moi-meme, a cause de la scene de la veille,
furent empreints de froideur. Il m'avai
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