ge de la verite._
_Le volume ne me quittait plus. Louise, inquiete de cette preference,
voulut exercer son controle. Un soir, comme je rentrais de contempler
les etoiles, _--_celles du Sud que je dechiffrais mieux, _--_je la
trouvai qui, sous la lampe, ouvrait les _Confessions_. Elle ne me
voyait pas, je l'observais: brusquement elle ferma l'ouvrage et,
m'apercevant, laissa eclater son indignation:_
--_Tu n'as pas le droit de lire ce livre._
--_Je lis ce qui me plait._
_Elle appela a son secours grand-pere qui declina toute responsabilite
: _ --_Oh! chacun est libre. Et d'ailleurs Jean-Jacques est sincere._
_Les passages de passion me surexcitaient, et ce qui me les rendait
plus chers et plus seduisants, c'etaient ces douces facons de vanter
en meme temps le bonheur de la vie bucolique et la paix de la
campagne. Dans cette paix qui m'environnait, je sentais mieux les
mouvements de mon coeur. Je fus aux pieds de Mme Basile _sans meme
oser toucher a sa robe. Un petit signe du doigt, une main legerement
pressee contre ma bouche sont les seules faveurs que je recus jamais
d'elle, et le souvenir de ces faveurs si legeres me transporte en y
pensant_. Je tachais de me representer cet air de douceur des blondes
auquel le coeur ne resiste pas et, le croirait-on? je decouvrais une
application individuelle a cette plainte qui frappait mes dix-huit ans
a peine revolus et deja inquiets: _Devore du besoin d'aimer sans
jamais l'avoir pu satisfaire, je me voyais atteindre aux portes de la
vieillesse et mourir sans avoir vecu._ Quand je montais assez haut
pour distinguer de loin le lac au bas des pentes, je me repetais le
voeu si simple: Il me faut un ami sur, une femme aimable, une vache
et un petit bateau_, et mon exaltation croissante se parait
d'ingenuite. J'aurais pleure d'amour en mangeant des fraises arrosees
de creme de lait.
Ainsi la periode que je traversais se reliait tres exactement a celle
de ma convalescence dont elle devenait en quelque maniere
l'achevement. Je reprenais, seul, les promenades que j'avais faites
avec grand-pere quelques annees auparavant. Son ami Jean-Jacques le
remplacait. Ce n'etaient pas les memes lieux, mais la nature ne
changeait guere. Elle gardait l'ensorcellement de sa sauvagerie,
l'emoi de sa vegetation que le moindre souffle agite, la fraicheur des
eaux, et meme elle m'offrait, avec l'altitude, un air plus vif, des
espaces plus etendus et moins accessibles aux travaux des hommes, une
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