couverture, serraient un petit
crucifix que je n'avais pas remarque tout d'abord.
J'avais cru parler haut, mais il n'avait pas du m'entendre: il ne se
retourna pas de mon cote. J'entendais sa voix basse --sa voix si
sonore dans ma memoire --qui chuchotait comme s'il recitait des
litanies.
--Que dit-il? demandai-je tout bas a ma mere qui s'approcha.
--Vos noms, murmura-t-elle. Ecoute.
En effet, les uns apres les autres, il nous enumerait. Deja les noms
des trois aines avaient du franchir ses levres: il prononca celui de
Louise. C'etait mon tour: il le passa et ce fut Nicole, puis Jacques.
Cette omission me fut cruelle: a peine l'avais-je remarquee que mon
nom vint, le dernier, detache et mis a part. Alors je me souvins des
odieuses insinuations de Martinod sur la preference accordee a l'un de
mes freres: je compris que nul de nous n'etait le prefere, mais que
pour l'inquietude que j'avais causee, j'avais ete l'objet d'une
attention particuliere. Et j'eprouvai l'envie irresistible de lui
reveler d'un seul coup le travail qui s'accomplissait en moi
soudainement. Il se preoccupait avec tant de souci et meme de respect
de notre vocation. Il presumait qu'elle serait la base de notre vie
tout entiere. J'avais ecarte systematiquement la mienne, pour attester
ma liberte. Voici que je la retrouvais avec certitude. Et m'avancant
un peu, je dis resolument:
--Pere, je suis la. C'est moi. La-haut j'ai reflechi. Vous ne savez
pas? je veux etre medecin comme vous.
La-haut? c'etait inexact: par pitie ne fallait-il pas lui cacher la
cause de mon revirement? Il ne me temoigna pas la joie que j'en
attendais, et peut-etre ne pouvait-il plus temoigner aucune joie.
Peut-etre un autre travail, le dernier, celui du detachement,
s'accomplissait-il en lui. Il leva sur moi ses yeux un peu effrayants
:
--Francois, repeta-t-il.
Et il tacha de lever la main pour me la poser sur la tete. Bien que je
me fusse penche, il ne put achever le geste et le bras retomba. Je
m'agenouillai pour lui permettre de m'atteindre avec moins d'effort,
mais il ne l'essaya meme plus comme je l'eusse souhaite, et de cette
voix basse qui m'avait tant frappe tandis qu'il nous appelait tour a
tour, il articula distinctement:
--Ton tour est venu.
Ma mere qui se trouvait un peu en arriere se rapprocha pour me poser
la question meme que je lui avais posee:
--Que dit-il?
Instinctivement j'esquissai un mouvement, comme pour lui expliquer que
je ne sav
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