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erve ou de dissimulation. Je souffris effroyablement de mon depart. Au dortoir je pleurai, la tete enfouie dans mes couvertures, jusqu'a ce que je ne me plaignis a personne. Mes parents purent croire que j'acceptais ma nouvelle vie sans difficulte. Regulierement, mon pere m'ecrivait, et longuement; cette correspondance representait sans doute pour lui un surcroit d'occupations dont je ne lui savais aucun gre. Par amour-propre, j'ecartais toutes les avances qu'il me faisait. Ignorant des insinuations de Martinod, comment aurait-il devine que j'apercevais partout des injustices a mon egard, des marques de preference pour mes freres? Je denaturais systematiquement phrases, sentiments, pensees. Ecartait-il, dans sa virile tendresse, pour ne pas m'amollir, les temoignages affectueux, je l'accusais de durete. S'y laissait-il aller, au contraire, c'etait pour me donner le change et mieux m'imposer son autorite que je grossissais au point de la supposer partout et dont la soi-disant persecution m'etait insupportable. Je repondais plutot a ma mere et il ne m'en adressa jamais l'observation. Cependant il le remarqua: plusieurs de ses lettres en porterent la trace: "Je sais, me disait l'une d'elles, que tu n'aimes pas a te confier a ton pere..." Et ma mere, qui l'avait remarque pareillement, ne manquait aucune occasion de me parler de lui, de me vanter sa bonte par-dessus tous ses autres merites, de l'imposer a mon souvenir, ce qui m'exasperait. S'il se rendait compte de ma patiente et tenace hostilite, il n'en soupconnait pas la cause. Ainsi le fosse, qu'un elan eut aisement franchi au debut, s'elargissait entre nous. Cette tension de mon esprit me communiquait une grande ardeur au travail. Je reussissais brillamment, avec indifference, et mes succes contribuaient a tromper ma famille, qui y decouvrait la preuve de mon acceptation et de ma nouvelle discipline. Un _bon eleve_, comme le mentionnaient mes bulletins, ne pouvait etre qu'un brave enfant et la joie de son foyer. Tante Dine, d'une ecriture malhabile, m'adressait d'enormes compliments qui celebraient mon affection filiale. De grand- pere je ne recevais rien. Mais qu'etaient ces resultats positifs aupres du drame interieur qui se jouait en moi? Je me relachai peu a peu des pratiques religieuses, et me composai pour moi-meme une sorte de mysticisme ou je pris l'habitude de me refugier. Mon imagination me remplaca mes promenades dans les bois et les retraites sauvages
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