etions tous rassembles autour d'elle, ou bien encore dans la priere,
car elle vivait tres pres de Dieu. Il arrivait parfois que mon pere la
plaisantait sur ses perpetuelles inquietudes. Pendant ma maladie, et
plus anciennement, pendant que la maison fut mise en vente, c'etait
lui, toujours lui qui relevait son courage de femme, qui lui
garantissait l'avenir, qui lui rappelait la constante protection de la
Providence. Je ne les imaginais pas autrement, et voici que les roles
etaient renverses: ma mere remontait mon pere decourage.
Je me serais degoute moi-meme si j'avais ecoute aux portes. Pousse par
mon amour-propre mele a mon sentiment de l'honneur, je n'eusse pas
hesite a penetrer dans la piece, sans les paroles suivantes qui furent
prononcees par mon pere et qui me clouerent sur place, le loquet en
main, sans qu'il me fut possible d'avancer ni de reculer, tant j'etais
saisi et captive:
--Il se passe entre moi et lui ce qui s'est passe jadis entre mon pere
et moi. Le meme drame de famille.
--Oh! que dis-tu, Michel?
--Oui, mon pere avait raison de le rappeler le jour ou j'ai trouve
Francois chez lui, ou Francois s'est declare pour lui, contre moi, le
malheureux! Quand j'etais petit, j'ai subi, moi aussi, l'influence de
mon grand-pere. Seulement, elle s'est exercee dans un autre sens. Il
avait ete president de Chambre a la Cour. Rentre chez lui, a l'age de
la retraite, il se plaisait a cultiver le jardin. C'est lui qui a
plante la roseraie. Il m'apprit l'importance, la beaute, oui, la
beaute de l'ordre qu'on impose a la nature et a soi-meme. Je lui dois
peut-etre d'avoir su diriger, dominer ma vie. Et mon pere, qui ne
s'interessait qu'a sa musique et a ses utopies, se moquait de nous: "
Il fera de cet enfant un geometre", assurait-il. Lui, il a fait de mon
fils un revolte.
Et avec amertume, il ajouta:
--Un pere ne doit, dans sa maison, abandonner son autorite a personne.
Pour soustraire Francois a cette influence qui l'emporte sur la
mienne, je n'hesiterais pas a le mettre plutot en pension. Ce ne
serait que devancer d'un an ou deux le parti que nous avons pris pour
nos aines. Et les etudes de notre college deviennent d'ailleurs
insuffisantes.
--C'est une charge de plus, objecta ma mere.
--La fortune est peu de chose aupres de l'education.
Ainsi j'appris comment on songeait sans moi a disposer de mon avenir.
La pension, la prison, me punirait de mon independance. Je fus tout
d'abord atterre, puis, d
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