nge, --comme je
m'etais echappe, non sans peine, afin d'assister aux jeux du cirque et
de guetter ensuite ma cavaliere qui, cette fois-la, ne daigna pas
s'occuper de moi, ne sachant comment rentrer sans eveiller
l'attention, je m'avisai d'aller rejoindre grand-pere au Cafe des
Navigateurs ou j'avais quelque chance de le rencontrer. La discussion
qu'il avait soutenue contre mon pere a ce sujet m'etait deja sortie de
la tete et je ne pensais qu'a me tirer d'affaire, non a Martinod et a
ses acolytes. J'entr'ouvris la porte avec un battement de coeur: pour
la premiere fois je penetrais, seul, dans un pareil lieu. Grand-pere
etait la: j'etais sauve. Du moment que je regagnerais le logis sous
sa protection, personne ne m'interrogerait, et mon absence se
justifierait d'elle-meme.
Je m'assis dans un coin, attendant le signal du depart. Martinod, pres
de moi, causait avec le patron de l'etablissement que je connaissais,
car il se melait familierement aux consommateurs et meme, dans ses
jours d'humeur prodigue, leur offrait des tournees.
--Vous comprenez, expliquait celui-ci d'une voix larmoyante, c'est une
note de plusieurs annees.
--Presentez-la au fils, conseillait Martinod.
--Ca ne le regarde pas.
--Eh! vous verrez qu'il la paiera. Je vous le garantis. C'est un bon
tour a lui jouer pour les elections. Et d'ailleurs, le petit a
consomme.
De qui s'agissait-il? je n'y pris pas garde. Tout a coup Martinod me
devisagea, et sous son regard je me souvins instantanement du soufflet
qu'il avait recu. J'eprouvai meme un vague remords de me trouver la en
sa compagnie, mais grand-pere continuait bien de le frequenter. Apres
tout, cette gifle, il l'avait recue et non pas donnee. Et le voila qui
leve les bras au ciel, comme si l'on avait commis a mon egard un crime
impardonnable:
--Cet enfant qui n'a rien a boire!
Jamais je n'aurais cru a tant de sollicitude. Des longtemps on me
negligeait et meme, sans la passion qui m'absorbait et m'inclinait aux
privations par gout de souffrir, j'eusse remarque la penurie des
verres de sirop. Aussitot on repare l'oubli, on apporte devant moi le
materiel reserve aux hommes murs: solennellement on m'offrira une
verte, oh! une verte mitigee, noyee, inoffensive. Martinod declare:
--Je la lui composerai moi-meme.
--Je compte sur vous, precise grand-pere desinteresse qui s'exalte
avec Glus sur l'andante de la deuxieme sonate de Bach pour piano et
violon. Et pas de plaisanterie!
--Pe
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