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it goute avec circonspection chaque bouchee, chaque gorgee, analysant, pour ainsi dire, l'aliment ou le liquide qu'il avait dans la bouche avant de l'avaler. Puis, cette lenteur l'avait impatiente, son naturel insouciant avait repris le dessus, et il s'etait mis a boire et a manger comme s'il avait ete sur de n'avoir rien a redouter. Bref, il mangea comme quatre et but comme six, non par gourmandise, comme il eut pu faire en toute autre circonstance, mais parce qu'il estimait que c'etait necessaire. Quant aux moines, ce qu'ils demandaient, c'etait qu'il goutat a l'un quelconque de ces plats, a seule fin que le reste put leur revenir, comme on le leur avait promis. Ce repas, qui ne fut peut-etre pas apprecie comme il le meritait, bien que Pardaillan fut un fin gourmet, s'acheva enfin, et il regagna sa chambre ou il se jeta dans son fauteuil. "Ouf! fit-il, me voila rassasie... et vivant encore. Voyons, le billet disait: un poison foudroyant... Oui, mais on peut avoir change d'idee... on peut avoir mis un poison lent... Attendons. Nous verrons bien." Durant quelques heures, il resta sans bouger dans son fauteuil. Il paraissait assoupi, mais il ne dormait pas. Suivant son expression, il attendait et, en meme temps, il reflechissait. Au bout de ce temps, il se leva et se mit a se promener lentement, un sourire au levres. "Je commence a croire que, decidement, il n'y avait pas le moindre poison dans les aliments que j'ai absorbes. D'Espinosa aurait-il change d'idee, comme je le prevoyais... ou tout ceci ne serait-il qu'une comedie admirablement machinee, et dont j'ai ete sottement dupe?... Peut-etre! Attendons encore. Voici que l'heure de la collation est passee et je n'ai pas encore apercu mes dignes gardiens." En effet, les moines ne reparurent pas, ni a l'heure du diner, ni a l'heure du souper non plus. Pardaillan avait trop copieusement dejeune, a une heure trop tardive, pour avoir faim. Mais il suivait une idee qu'il avait resolu d'elucider. Il se dirigea donc vers le judas et appela comme il avait fait la veille. Cette fois, ce fut le frere Zacarias qui lui repondit. --Eh! mon digne reverend, fit-il de son air figue et raisin, l'heure du diner est passee, celle du souper aussi... on ne me sert donc plus de ces mirifiques festins?... --Finis, les mirifiques festins, mon frere, fit le moine d'une voix pateuse et infiniment triste. Finis... helas! --Ah! ah! fit Pardaillan, dont l'oeil petilla. Mais, dite
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