La, il s'arreta enfin, et saisissant la main de
Pardaillan etonne, il la porta a ses levres en s'ecriant avec un accent
de conviction touchant dans sa naivete:
--Ah! je savais bien, moi, que vous seriez plus fort qu'eux tous!
Je savais bien que vous vous en iriez quand vous voudriez! Vite,
maintenant, ne perdons pas de temps! Suivez-moi!
Pardaillan, doucement emu, le considerait avec un inexprimable
attendrissement.
--Ou diable veux-tu donc me conduire? dit-il doucement.
Le Chico se mit a rire:
--Je veux vous cacher, tiens! Je vous reponds qu'ils ne vous trouveront
pas la ou je vous conduirai.
--Me cacher!... Pour quoi faire?
--Pour qu'ils ne vous reprennent pas, tiens!
A son tour, Pardaillan se mit a rire de bon coeur.
--Je n'ai pas besoin de me cacher, fit-il. Sois tranquille, ils ne me
reprendront pas.
Le Chico n'insista pas; il ne posa aucune question, il ne temoigna ni
surprise ni inquietude.
Pardaillan avait dit qu'il n'avait pas besoin de se cacher et qu'on
ne le reprendrait pas. Cela lui suffisait. Et comme son petit coeur
debordait de joie, il saisit une deuxieme fois la main de Pardaillan,
et il allait la porter a ses levres, lorsque celui-ci, se penchant,
l'enleva dans ses bras, en disant:
--Que fais-tu, nigaud?... Embrasse-moi!...
Et il appliqua deux baisers sonores sur les joues fraiches et veloutees
du petit hommes, qui rougit de plaisir et rendit l'etreinte de toute la
force de ses petits bras.
En le reposant a terre, il dit, avec une brusquerie destinee a cacher
son emotion.
--En route, maintenant! Et puisque tu veux absolument me conduire
quelque part, conduis-moi vers certaine hotellerie de la Tour, ou nous
serons tous deux, je le crois du moins, admirablement recus par la plus
jeune, la plus fraiche et la plus gente des hotesses d'Espagne.
Quelques instants plus tard, ils faisaient leur entree dans le patio de
l'auberge de la Tour, a peu pres desert en ce moment, et ou Pardaillan
commenca de mener un tel tapage que ce qu'il avait voulu amener se
produisit: c'est-a-dire que la petite Juana se montra pour voir qui
etait ce client qui faisait un tel vacarme.
Elle etait bien changee, la mignonne Juana. Elle paraissait dolente,
languissante, indifferente. On eut dit qu'elle relevait de maladie. Et
pourtant malgre cet etat inquietant, malgre un air visiblement decourage
et comme detache de tout, Pardaillan, qui la detaillait d'un coup d'oeil
prompt et sur, remarqua qu
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