Et, en lui-meme, il se disait:
"Tu y viens, comme tous les autres!..."
Et Pardaillan se disait de son cote:
"...Si vous n'etes pas trop exigeant!... Tout le Bearnais est dans ces
mots."
Et tout haut:
--Je demanderai a Votre Majeste la faveur de lui presenter un ami que
j'ai ramene d'Espagne.
--Comment, c'est tout?...
--Je demanderai pour lui un emploi honorable dans les armees du roi.
Et, saisissant la grimace imperceptible du roi, il ajouta froidement:
--Un emploi honorifique... cela va de soi... Mon ami est assez riche
pour se passer d'une solde.
--Bon! Du moment que...
Pardaillan sourit de l'aveu et reprit, toujours froidement:
--Votre Majeste voudra bien, en souvenir de la haute estime dont elle
veut bien m'honorer, s'interesser particulierement a mon ami et lui
faciliter les occasions de se produire a son avantage.
--Diable! fit le roi surpris.
--Enfin Votre Majeste voudra bien eriger en duche la terre que cet ami
compte acheter en France.
--Ho! diable!... diable!... un duche!... comme cela... d'un coup... a
quelque croquant... Cela fera hurler!
--Vous laisserez hurler, sire!... Mais mon ami n'est pas un croquant..
Il est de noblesse authentique... et de tres bonne noblesse.
--Si vous en repondez! fit le roi hesitant.
--J'en reponds, sire... Enfin, est-ce oui, est-ce non?
--C'est oui, diable d'homme!... Vous ne trouverez cependant pas excessif
que je sache a qui doit s'adresser cette faveur?
--Du moment qu'elle est accordee, non, fit Pardaillan, qui avait repris
son air bon-enfant.
Et, en quelques mots, il expliqua qui etait le Torero pour qui il
demandait ces faveurs qui avaient paru excessives au roi.
--Eh! ventre-saint-gris! que ne l'avez-vous dit tout de suite?
--J'avais mon idee, sire, repondit Pardaillan en souriant.
Le roi le regarda un moment dans les yeux, puis il eclata de rire en
levant les epaules. Il avait devine a quel mobile avait obei Pardaillan.
Alors, lui prenant la main avec une emotion reelle:
--Et pour vous?... Ne me demandez-vous rien?
--Mais je n'ai besoin de rien, sire, fit Pardaillan de son air le plus
naif. Ou plutot si... j'ai besoin de quelque chose...
--Ah! vous voyez bien!....
--J'ai besoin, continua Pardaillan imperturbable, d'avoir toute ma
liberte a moi.
--Ah! fit le roi decu, quelque aventure extraordinaire, sans doute?
--Mon Dieu! non, sire... une aventure bien banale... Un enfant a
rechercher.
--Un enfant
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