Ah! ceci te manquait, Fausta!...
Fausta se redressa majestueusement. Le calme prodigieux, qui l'avait
abandonnee un instant, lui revint comme par enchantement, et avec un
accent de souveraine hauteur, en le fixant droit dans les yeux:
--Je n'ai pas peur de la mort... et tu le sais bien... Pardaillan.
--Allons donc! ricana le chevalier, tu as peur!... Tu as demande
grace... la... a l'instant.
--J'ai demande grace, c'est vrai!... Mais je n'ai pas peur... pour moi.
Et d'un geste prompt comme la foudre, profitant de l'inattention du
Torero qui suivait cette scene fantastique avec un interet passionne,
elle lui arracha la dague qu'il tenait machinalement, dechira d'un geste
violent son corsage et, appuyant la pointe de la dague sur son sein nu,
avec un accent de froide resolution:
--Repete que Fausta a peur... et je tombe foudroyee a tes pieds... Et
toi, Pardaillan, tu ne sauras jamais pourquoi je t'ai demande grace.
Pardaillan comprit qu'elle ferait comme elle disait.
"Soit, dit-il. Je ne repeterai pas... J'attendrai, pour me prononcer,
que vous vous soyez expliquee... Car, enfin, vous ne sauriez nier que
vous avez demande grace!
--Oui, je t'ai demande grace... et je le ferais encore... Mais ecoute,
Pardaillan, il m'a fallu mille fois plus de courage pour t'implorer
qu'il n'en faudrait pour me percer de ce fer...
Et comme il la regardait d'un air etonne, cherchant a comprendre le sens
de ses paroles:
--Ecoute-moi, Pardaillan, et tu comprendras.
Et elle continua en s'animant peu a peu:
--Oui, j'ai voulu te tuer, oui, j'ai cherche a t'atteindre par les
moyens les plus horribles, j'en conviens, oui, j'ai ete froidement
cruelle et sans coeur... mais je t'aimais, Pardaillan... je t'ai
toujours aime... et toi, tu m'as dedaignee... Comprends-tu?... Mais,
si j'ai ete implacable et odieuse dans ma haine, qui etait de l'amour,
entends-tu? Pardaillan, je n'ai pas voulu--ah! cela, jamais!--je n'ai
pas voulu qu'un jour ton fils put se dresser devant toi et te demander:
--Qu'avez-vous fait de ma mere?
--Je n'ai pas voulu que cette chose horrible arrivat... parce que je
suis la mere de ton fils. Comprends-tu maintenant pourquoi je t'ai
demande grace? Pourquoi tu ne peux pas tuer la mere de ton enfant?
En entendant ces paroles, qu'il etait a mille lieues de prevoir, le
sentiment qui domina chez Pardaillan fut l'etonnement, un etonnement
prodigieux.
Eh! quoi! il etait pere?... Il avait un fils, lui, Pard
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