re attention a cette bande de
malandrins armes de formidables rapieres, sans compter la dague qu'ils
avaient tous, pendue au cote droit.
Il ne vit et ne voulut voir que Barba Roja et celle qu'il tenait dans
ses bras. Il laissa la troupe, tout entiere sortir de la voute et
s'engager sur la petite esplanade.
Lorsque le pont-levis, en se relevant, lui fit comprendre que toute la
bande etait sortie, il se redressa doucement et, sans hate, il alla se
camper au milieu du chemin. Et, d'une voix terrible a force de calme
et de froide resolution, il cria, comme un officier commandant une
manoeuvre:
--Halte... On ne passe pas!
Barba Roja crut que, derriere cet extravagant audacieux, devait se
trouver une troupe au moins egale a la sienne, et il s'arreta net,
immobilisant ses hommes derriere lui.
Alors, seulement, il reconnut Pardaillan et vit qu'il etait seul,
parfaitement seul, au milieu du chemin.
Il eut un sourire terrible.
Par Dieu! la partie etait belle!
Il allait s'emparer de son ennemi, l'emmener proprement ficele,
l'obliger a assister au deshonneur de la donzelle qu'il aimait, apres
quoi un coup de poignard bien applique le debarrasserait a tout jamais
du Francais maudit.
Tel fut le plan qui germa instantanement dans la cervelle du colosse, et
de la reussite duquel il ne douta pas un instant.
Peut-etre eut-il montre moins d'assurance s'il avait pu lire ce qui se
passait dans l'esprit de ses diables a quatre. En effet, en exceptant
Centurion et Barrigon, qui avaient mille et une bonnes raisons de lui
rester fideles, les treize autres ne paraissaient pas montrer cet
entrain qui decide de la victoire... surtout quand on a pour soi le
nombre.
C'est que ces treize-la avaient deja eu affaire a Pardaillan; ces
treize-la etaient ceux qui avaient ete si fort malmenes dans la fameuse
grotte de la maison des Cypres.
Malheureusement pour lui. Barba Roja ne se rendit pas compte de cet
etat d'esprit qui pouvait faire avorter son dessein de s'emparer de
Pardaillan.
Il se crut sincerement le plus fort, assure de la victoire, et resolut
de s'amuser un peu, tel le chat qui joue avec la souris avant de
l'abattre d'un coup de griffe. Il mit tout ce qu'il put mettre d'ironie
et de mepris dans sa voix pour s'ecrier:
--Ca, que veut ce truand?... Si c'est une bourse qu'il cherche, qu'il
prenne garde de trouver les etrivieres... en attendant une bonne corde!
--Fi donc! repliqua la voix tres calme de Pardaillan.
|