uivie de loin par la vieille Barbara, suant, soufflant... et
pestant, a son ordinaire.
A la vue de Pardaillan, seul sur l'esplanade, elle avait senti une
angoisse mortelle l'etreindre; en l'entendant appeler, elle avait
compris qu'un malheur etait arrive. Elle en avait le pressentiment
douloureux puisque c'est ce qui l'avait decidee a tenter cette demarche
plutot risquee.
Elle avait bondi hors de la charrette et s'etait mise a courir a la
rencontre du chevalier.
En approchant, elle avait vu que le chevalier portait dans ses bras deux
corps qui semblaient prives de vie.
Un affreux sanglot dechira sa gorge contractee. Le malheur pressenti
etait arrive!
Sans forces, elle s'arreta, plus pale peut-etre que le blesse que
Pardaillan tenait dans ses bras, et elle rala:
--Il est mort, n'est-ce pas?
Comme s'il avait la tete egaree par la douleur, Pardaillan repondit
d'une voix sourde:
--Pas encore!
Et il continua son chemin, comme inconscient du coup terrible qu'il
venait de porter, se dirigeant vivement vers la charrette.
La petite Juana n'eut pas un cri, pas une plainte, pas une larme.
Seulement, de pale qu'elle etait, elle devint livide, et, lorsque
Pardaillan passa pres d'elle, il courba la tete d'un air honteux, sous
le regard de douloureux reproche qu'elle lui decocha.
Et elle se mit a le suivre, du pas raide, saccade d'un automate.
Pres de la charrette, Pardaillan deposa la Giralda dans les bras de la
duegne en disant d'un air bourru:
--Occupez-vous de celle-ci.
Et, se baissant, il etendit doucement le blesse sur l'herbe roussie qui
bordait la route.
En voyant son compagnon d'enfance, son petit jouet vivant, livide,
couvert de sang, ses paupieres mi-closes laissant apercevoir le blanc de
l'oeil revulse, la petite Juana sentit un affreux dechirement dans tout
son etre et s'abattit sur les genoux.
Elle prit doucement dans ses bras la tete si pale de son ami, et,
sans rien voir autour d'elle, non plus que Pardaillan, qui paraissait
horriblement gene par le spectacle de ce desespoir morne, elle se mit a
le bercer doucement, dans un geste maternel, tandis qu'elle balbutiait,
avec une tendresse infinie:
--Chico!... Chico!... Chico!...
Et, sous cette caresse tendrement berceuse, l'amour qui emplissait le
coeur fidele du petit homme, l'amour puissant, naif et sincere, montra
une fois de plus quel etait son pouvoir: le blesse reprit ses sens.
Tout de suite, il vit dans quels bras adores
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