ur passable. Passable, dans la bouche de Pardaillan, voulait dire
redoutable.
Apres la lecon, ils expedierent rapidement le dejeuner qui les attendait
et, sans s'occuper des mines desesperees de Juana, Pardaillan et le
Chico se mirent en route, se dirigeant vers la porte de Bib-Alzar.
Tres triste, agitee de pressentiments sinistres, la petite Juana se
remit sur le pas de la porte et les suivit du regard, tant qu'elle put
les apercevoir. Apres quoi, elle rentra dans son cabinet et se mit a
pleurer doucement. Mais, c'etait une fille de tete que la petite Juana.
Obligee par les circonstances de diriger une maison a un age ou l'on n'a
guere d'autre souci que se livrer a des jeux plus ou moins bruyants,
elle avait appris a prendre de promptes resolutions.
Le resultat de ses reflexions fut qu'elle alla tout droit trouver un
de ses domestiques nomme Jose, lequel Jose detenait les importantes
fonctions de chef palefrenier de l'hotellerie, et lui donna ses ordres.
Un petit quart d'heure plus tard, Jose sortit de l'auberge conduisant
par la bride un vigoureux cheval attele a une petite charrette. Dans la
charrette, etendues sur des bottes de paille, bien enveloppees dans de
grandes mantes noires dont les capuchons etaient rabattus sur la figure,
etaient la petite Juana et sa nourrice Barbara. Et le palefrenier,
marchant d'un bon pas a cote du cheval, prit le chemin de la porte de
Bib-Alzar...
Le meme chemin que venait de prendre Pardaillan.
Le chateau fort de Bib-Alzar, construction massive et trapue, veritable
nid de vautours, remontait a l'epoque des grandes luttes contre les
Maures envahisseurs.
Suivant les regles du temps, concernant l'art de la fortification, il
etait bati sur une emmenee. Ses tours crenelees, dressees menacantes
vers le ciel, etaient dominees par la masse centrale du donjon, lequel
etait surmonte, au nord et au midi, de deux echauguettes en poivriere:
yeux monstrueux ouverts sur l'horizon qu'ils scrutaient avec une
vigilance de tous les instants.
Comme dans toute residence royale, il y avait la une petite garnison
et de nombreux serviteurs. Les uns et les autres saisissaient avec
empressement toutes les occasions de se rendre a la ville proche.
En ce moment, grace a la presence du roi a Seville, l'ennui pesait plus
que jamais sur la garnison, attendu qu'il etait interdit, sous peine de
mort, de sortir du chateau, sous quelque pretexte que ce fut, a moins
d'un ordre formel du roi ou du gra
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