la-bas
se faire hacher par la hideuse machine.
Il ralait, et, cependant, son desir de vivre etait si prodigieusement
tenace qu'il trouvait encore, et malgre tout, la force de crier presque
sans discontinuer:
"Arretez! Arretez!..."
Bientot, il fut a bout de force. Sa main gauche glissa, lacha prise.
Il se maintint un instant de sa seule main droite. Les doigts de cette
main, a leur tour, le trahirent un a un. Deux doigts seuls resterent
desesperement incrustes dans le metal et supporterent le poids de son
corps un inappreciable instant.
Alors, il ferma les yeux, un soupir atroce gonfla sa poitrine, un cri
terrible, un cri de bete qu'on egorge, jaillit de ses levres tumefiees,
et il roula, roula la-bas sur les hachoirs qui le saisirent.
XVII
LE PHILTRE DU MOINE
Or, Pardaillan n'etait pas mort.
La machine a hacher etait une sinistre comedie imaginee par Fausta, de
concert avec d'Espinosa.
Fausta avait indique au grand inquisiteur un moyen qui, dans son
infernale barbarie, lui avait paru le meilleur. Il l'avait adopte et
perfectionne dans les details. On serait venu lui en indiquer un autre
qui lui eut paru superieur, il aurait renonce a celui de Fausta pour
adopter celui-la.
Il poursuivait la mise a execution de son plan avec une rigueur d'autant
plus inexorable qu'elle etait froidement raisonnee. Il agissait pour un
principe--et c'est ce qui le faisait si terrible, si redoutable--non
pour l'assouvissement d'une haine personnelle. Il n'avait pas menti
lorsqu'il l'avait dit a Pardaillan.
Cette incroyable et abominable invention de la machine a hacher etait
donc destinee non a broyer le chevalier, mais a achever de porter
l'epouvante dans son esprit deprime par les tortures de la faim et de la
soif.
Et cette epouvante, amenee a son paroxysme par une graduation dosee avec
un art infernal, avait ete initialement preparee par un stupefiant, et
en meme temps devait completer l'oeuvre devastatrice de ce poison.
En consequence, les premieres faux apparues etaient reellement de bel et
de bon acier; elles etaient parfaitement tranchantes et acerees. Mais,
les hachoirs du bas, ceux que Pardaillan n'avait pu voir, attendu que,
etendu a plat ventre sur le plancher, cramponne a la traverse, il leur
tournait le dos, ces hachoirs du bas, sur lesquels, grace a la declivite
du plancher, son corps devait rouler, etaient places la comme un leurre
et s'etaient replies comme du caoutchouc sous le poids du cor
|