cessivement en temps voulu. C'etait un moment
fort desagreable a passer. Je me resignai a le supporter de mon mieux.
D'Espinosa le considera longuement sans mot dire, puis, avec un long
soupir:
--Quel dommage, fit-il, qu'un homme tel que vous ne soit pas a nous!
Et voyant que Pardaillan se herissait:
--Rassurez-vous, reprit-il, je ne pretends pas essayer de vous soudoyer.
Ce serait vous faire injure. Je sais que les hommes de votre trempe
se devouent a une cause qui leur parait belle et juste... mais ne se
vendent pas.
Et il demeura un moment songeur sous l'oeil narquois de Pardaillan, qui
l'observait sans en avoir l'air et respectait sa meditation. Enfin il
redressa la tete, et regardant son adversaire en face, sans trouble
apparent, sans provocation, avec une aisance admirable:
--Et maintenant que je suis votre prisonnier--car je suis votre
prisonnier--que comptez-vous faire?
--Mais, fit Pardaillan avec son air le plus naif et comme s'il disait la
chose la plus naturelle du monde, je compte vous prier d'ouvrir cette
fameuse porte secrete, et que vous etes seul au monde a connaitre, et
qui nous permettra de sortir de ce lieu, qui n'a rien de bien plaisant.
--Et si je refuse? demanda d'Espinosa sans sourciller.
--Nous mourrons ensemble ici, dit Pardaillan avec une froide resolution.
--Soit, dit d'Espinosa avec non moins de resolution, mourons ensemble.
Au bout du compte le supplice sera egal pour tous les deux, et si la vie
merite un regret, vous aurez ce regret au meme degre que moi.
--Vous vous trompez, dit froidement Pardaillan. Le supplice ne sera
pas egal. Je suis plus vigoureux que vous et j'ai des provisions qui
dureront quelques jours, en les rationnant convenablement. Il est clair
que vous succomberez par la faim et la soif. J'ai tate de ce genre de
supplice, je puis vous assurer qu'il est assez affreux. Quand vous ne
serez plus qu'un cadavre, moi, avec le fer que voici, je pourrai abreger
mon agonie.
Si fort, si maitre de lui qu'il fut, d'Espinosa ne put reprimer un
frisson.
--Nous n'aurons pas les memes regrets en face de la mort, continua
Pardaillan de sa voix implacablement calme. Le seul regret que
j'eprouverai sera de ne pouvoir, avant de m'en aller, dire deux mots
a Mme Fausta. C'est une satisfaction que j'aurais voulu me donner, je
l'avoue. Mais bah! on ne fait pas toujours comme on veut. Je partirai
donc sans regret, avec la satisfaction de me dire que j'ai accompli,
avant,
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