r malicieuse brillait au fond de ses
prunelles, un sourire narquois errait sur ses levres. Il savait qu'il
etait condamne a jeuner durant quelque temps, puisque le frere Zacarias
l'avait prevenu la veille; donc, il pensait que ses gardiens ne
penetreraient pas dans sa chambre. Il ne se trompait pas. La matinee se
passa sans qu'on lui apportat la moindre nourriture. Vers une heure de
l'apres-midi, il se leva languissant, et s'en fut au coffre a habits,
d'ou il tira un petit paquet qu'il cacha dans son pourpoint, s'enveloppa
soigneusement dans les plis de son manteau qu'il ne quittait pas depuis
quelque temps, et, peniblement, car il se sentait tres faible, il
regagna son fauteuil ou il disparut.
Que fit-il la? Nous ne saurions dire au juste. Mais il remuait les
machoires comme quelqu'un qui mastique un aliment. Peut-etre avait-il
imagine ce moyen de tromper la faim.
Pendant trois longs jours, on le laissa ainsi, seul, sans lui apporter
un morceau de pain, un verre d'eau. Il etait devenu d'une faiblesse
extreme, il paraissait avoir une grande peine a se tenir debout, et
il lui fallait de longs et penibles efforts pour arriver a trainer le
fauteuil dans son coin favori.
Car, chose bizarre, il s'obstinait a se refugier la. Il y avait
exactement treize jours qu'il etait enferme dans ce couvent-prison,
et il n'etait plus reconnaissable. Have, les traits tires, une barbe
naissante envahissant ses joues et son menton, les yeux brillants d'un
eclat fievreux, il n'etait plus que l'ombre de lui-meme. Il passait la
plus grande partie de son temps dans le fauteuil ou il restait prostre
de longues heures.
Le quatrieme jour, au matin, ses gardiens lui apporterent une boule de
pain noir et un alcarazas rempli d'eau en lui recommandant de menager
ces maigres provisions, attendu qu'on ne lui en donnerait d'autres que
dans deux jours.
C'est a peine s'il parut entendre ce qu'on lui disait. Il faut croire,
cependant, qu'il avait entendu et compris, car, deux heures plus tard,
le pain etait diminue de moitie et l'alcarazas s'etait vide dans les
memes proportions. Il faut croire aussi qu'il etait surveille de pres,
car, peu de temps apres, les moines reparurent et le prierent de les
suivre.
Le maigre repas qu'il venait de faire lui avait rendu un peu de forces,
car il se leva sans trop de difficultes. Mais, ce qui etonna les deux
gardiens, c'est qu'il ne paraissait pas tres bien comprendre ce qu'ils
disaient.
Voyant cela, Bau
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