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caractere peu commune, Pardaillan etait pale de l'effort surhumain qu'il
faisait pour se maitriser.
Avait-il donc reellement peur du poison dont il etait menace?
Non, Pardaillan n'avait pas peur du poison. Menace a mots couverts des
supplices les plus horribles, il est facile de comprendre qu'entre une
torture savamment dosee pour la faire durer des heures et des jours,
peut-etre, et un poison foudroyant, le choix etait tout fait. N'importe
qui, a sa place, n'eut pas hesite et eut pris le poison.
Ce n'etait pas la mort elle-meme, non plus, qui l'effrayait. En
descendant au fond de sa conscience, on eut peut-etre trouve que la
mort eut ete accueillie par lui comme une delivrance. Depuis que mortes
etaient ses seules affections, mortes aussi ses haines, Pardaillan ne
pouvait plus guere tenir a la vie.
Alors?
Alors, il y avait ceci: avec ses idees speciales, Pardaillan se disait
qu'ayant accepte du roi Henri une mission de confiance il n'avait pas le
droit de mourir, lui, Pardaillan, avant que cette mission fut accomplie.
On voit qu'il etait rigoureusement logique. Seulement, pour mettre en
pratique une logique de ce genre, il fallait etre doue d'une energie peu
commune, d'une dose de volonte, d'un courage et d'un sang-froid qu'il
etait peut-etre seul capable d'avoir.
Tout ceci avait ete longuement et murement pese, calcule et finalement
resolu, dans la solitude de sa cellule. On a pu voir par les tentatives
desesperees de ses gardiens, Bautista et Zacarias, qu'il suivait avec
une inebranlable rigueur la ligne de conduite qu'il s'etait tracee.
Une chose qu'il avait aussi decidee, et que nous devons faire connaitre,
c'est qu'il courrait le risque de l'empoisonnement en prenant la
nourriture qu'on lui presenterait, le quatrieme jour a partir de la
reception du billet du Chico.
Pourquoi ce quatrieme jour? Comptait-il donc sur le nain? Pas plus sur
le nain que sur autre chose, autant sur lui que sur n'importe qui.
Le Chico, a ses yeux, etait une carte dans ses mains. Pour le moment,
cette carte n'etait pas a dedaigner plus qu'une autre. Elle pouvait
etre bonne, elle pouvait etre mauvaise, il ne savait pas encore. Cela
dependrait du jeu qu'abattrait son adversaire.
Il s'etait fixe ce terme de quatre jours, simplement parce qu'il se
disait que les forces humaines ont une limite, et que, s'il voulait etre
en etat de profiter des evenements favorables qui pouvaient toujours
se produire, il lui fallait,
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