a mission de confiance
dont ils etaient charges qu'a leur force herculeenne.
On leur avait confie la garde de Pardaillan, on leur avait ordonne
d'acceder a tous ses desirs, et, hormis de lui ouvrir la porte et de le
laisser aller, d'obeir a ses ordres.
On leur avait surtout recommande de faire tous leurs efforts pour
l'amener a prendre un peu de nourriture. Ils s'acquittaient tres
consciencieusement de leur tache et n'en cherchaient pas plus long.
Comme on les savait quelque peu gourmands et ne detestant nullement
de vider une bonne bouteille, on leur avait defendu, sous menace des
chatiments les plus exemplaires, d'accepter quoi que ce fut de leur
prisonnier, fut-ce une simple goutte d'eau.
Enfin--et ceci montre que d'Espinosa ne laissait rien au hasard et
savait habilement utiliser les passions de ceux qu'il employait--on leur
avait dit que, s'ils amenaient leur prisonnier a gouter a un seul des
innombrables plats dont la table etait garnie, a avaler, ne fut-ce
qu'une gorgee de vin ou d'eau, les restes de la magnifique table leur
reviendraient integralement et qu'ils pourraient boire et manger tout
leur soul et se griser a en rouler par terre, ayant d'avance absolution
pleine et entiere.
Pardaillan ignorait tout cela, et pour cause. Cependant, a differentes
reprises, et pour avoir le coeur net il avait place devant les moines un
des plats pris au hasard, il avait lui-meme rempli a ras bord un verre
d'un vin genereux et:
--Tenez, mon reverend, avait-il dit, vous seriez heureux de me voir
manger, dites-vous... Eh bien, goutez une bouchee seulement de ce plat,
et je vous jure que j'en mangerai apres vous; goutez une seule gorgee
de ce vin au fumet delicat et je vous promets de vider la bouteille
ensuite.
--Impossible de vous satisfaire, disait d'un air navre un des moines.
--Pourquoi? demandait Pardaillan.
--Helas! mon frere, on nous a formellement interdit d'accepter rien de
vous.
--Sous peine de la discipline, ajoutait l'autre.
--La discipline et autres chatiments corporels, et l'_in pace_, et la
diete forcee et...
--N'en parlons plus, interrompait Pardaillan.
Et, en lui-meme, il ajoutait:
"Pardieu! ils n'auraient garde d'y gouter: les sacripants savent que ces
mets sont empoisonnes."
Dans ce troisieme jour, frere Bautista et frere Zacarias (pourquoi
ne ferions-nous pas connaitre les noms des deux moines gardiens?) se
montrerent plus affectes que jamais, affectes et furieux; navres, p
|