ses
qu'il venait de faire, mais a rappeler l'homme a lui avec le meme soin,
la meme froide impassibilite qu'il avait mis a le torturer.
Quand le malheureux, sous l'action des remedes energiques qui lui
etaient administres, reprit ses sens, le moine replaca soigneusement ses
ingredients a leur place, reprit ses outils et recommenca son horrible
besogne.
Pardaillan, livide, les ongles incrustes dans la paume des mains pour
ne pas crier son horreur et son degout, Pardaillan, se demandant s'il
n'etait pas en proie a quelque hideux cauchemar, remue d'une pitie
immense, sentant son coeur se soulever d'indignation, dut assister,
impuissant, a cette scene atroce.
Lorsque le cinquieme ongle tomba, les hurlements du patient s'etaient
changes en rales etouffes, et le bourreau, toujours effroyablement
insensible et methodique, se disposait a passer a la deuxieme main.
--Horrible! horrible! murmura le chevalier, malgre lui, sans savoir ce
qu'il disait, peut-etre.
Froidement, d'Espinosa formula:
--Ceci n'est rien!... Passons!
Et ils passerent, en effet. Et Pardaillan s'eloigna en fremissant de la
sombre porte qui venait de se refermer.
--Le crime de cet homme, disait d'Espinosa d'une voix paisible, n'est
rien, compare a celui que vous avez ose commettre.
Pardaillan comprit le sens deguise de ces paroles, qui signifiaient
evidemment que le supplice qui lui serait inflige a lui, Pardaillan,
depasserait ce qu'il venait de voir. Il se raidit pour combattre
l'epouvante qui se glissait sournoisement en lui.
Il se rendait d'ailleurs parfaitement compte que cette epouvante
provenait surtout de l'ebranlement nerveux qu'il venait d'eprouver, et
il se disait, non sans angoisse, que, si d'Espinosa s'avisait de
le faire assister coup sur coup a des spectacles de ce genre, cela
amenerait chez lui une depression morale qu'il n'etait pas sur de
pouvoir surmonter.
Ils franchirent ainsi, silencieusement, quelques metres, pendant
lesquels Pardaillan s'efforca de maitriser ses nerfs mis a une si rude
epreuve.
Au bout d'une vingtaine de pas, deuxieme porte: deuxieme arret.
Pardaillan fremit.
Comme la premiere, cette porte s'ouvrit d'elle-meme. Comme la premiere,
elle demasqua une cellule en tous points semblable a la precedente,
occupee par un moine-bourreau et par un condamne. Celui-ci, comme le
premier, etait maintenu assis sur un siege de bois. Seulement, celui-ci
avait les bras attaches en croix et le torse, nu, bien a
|