etes une
nature exceptionnelle. Vous ne vous etonnerez donc pas que le chatiment
qui vous sera inflige soit exceptionnellement rigoureux. La mort n'est
rien, en elle-meme.
--C'est la maniere de la donner. Ce qui revient a dire que vous avez
invente a mon intention quelque supplice sans nom.
Pardaillan disait ces mots avec ce calme glacial qui masquait ses
emotions lorsqu'elles etaient, comme en ce moment, a leur paroxysme
et qu'il meditait quelque coup de folie comme il en avait tente
quelques-uns dans sa vie si bien remplie. D'Espinosa, si observateur
qu'il fut, devait s'y laisser prendre. Il ne vit que l'attitude, qu'il
admira d'ailleurs en connaisseur, et ne soupconna pas ce qu'elle cachait
de menacant pour lui. Il repondit donc, sans ironie aucune:
--J'ai, du premier coup d'oeil, reconnu votre haute intelligence. Je ne
suis donc pas etonne de la facilite avec laquelle vous savez comprendre
a demi-mot. Pourtant, en ce qui concerne le supplice dont vous parlez,
je dois a la verite de dire que j'ai ete puissamment aide par les
conseils de Mme la princesse Fausta, laquelle, je ne sais pourquoi, vous
veut la malemort.
--Oui, je le savais, gronda Pardaillan d'une voix blanche. J'espere bien
avoir, avant de mourir, la joie de lui dire les deux mots que j'ai a
lui dire. Mais vous, monsieur, savez-vous que vous etes un dangereux
reptile? Savez-vous que l'envie me demange furieusement de vous
etrangler, pendant que je vous tiens?
Il avait abattu sa main sur l'epaule d'Espinosa, et d'une voix basse il
lui jetait ces paroles menacantes dans la figure.
Le grand inquisiteur ne sourcilla pas. Il ne fit pas un geste pour se
soustraire a son etreinte. Ses yeux ne se baisserent pas devant le
regard ardent du chevalier, et sans rien perdre de son impassibilite,
comme s'il n'eut pas ete en cause:
--Je le sais, dit-il simplement. Mais vous n'en ferez rien. Vous devez
bien penser que je ne suis pas homme a m'exposer a votre fureur sans
avoir pris mes precautions.
Pardaillan jeta un coup d'oeil rapide autour de lui et il vit que le
cercle des moines s'etait resserre autour de lui. Il comprit qu'en effet
il n'aurait pas le temps de mettre sa menace a execution. Une fois
encore il serait ecrase par le nombre. Il secoua furieusement la tete
et, sans lacher prise, appuyant plus lourdement sa main sur l'epaule de
son ennemi:
--Je vous entends, dit-il d'une voix sifflante. Ceux-ci tomberont sur
moi. Mais je puis en courir l
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