e frappa du pied d'un air mutin, et moitie boudeuse, moitie curieuse:
--Qu'y a-t-il encore?
--Je ne veux pas que ton pere me voie dans cet etat. Je reviendrai
demain et tu verras que je ne te ferai pas honte.
Comment s'arrangea-t-il? Par quel tour de force d'ingeniosite? Par
quelle mysterieuse besogne accomplie fort a propos? C'est ce que nous ne
saurions dire. Tant il y a que, lorsqu'il revint le lendemain, il etait
superbe dans son costume presque neuf, qui sans avoir rien de fastueux,
comme de juste, etait d'une proprete meticuleuse et d'une elegance qui
faisait admirablement valoir la gracilite de la jolie miniature qu'il
etait.
Aussi le Chico triompha sur toute la ligne.
D'abord, il vit les yeux de la coquette Juana briller de plaisir a le
voir si propre et si elegamment attife. Ensuite, il put lire, sur les
physionomies ebahies de Manuel et des serviteurs accourus, la stupeur
admirative que leur causait la vue de Chico en fringant cavalier.
Depuis ce jour, il eut soin de reserver un costume coquet qu'il
n'endossait que pour aller voir sa petite maitresse, et qu'il rangeait
soigneusement ensuite dans quelqu'une de ces cachettes connues de lui
seul. Le reste du temps, ses haillons ne lui faisaient pas peur.
Juana n'avait eu qu'a jeter ses bras au cou de son pere pour obtenir le
pardon de Chico. Et, comme le bonhomme n'etait pas mechant, il avait
accueilli convenablement le retour de l'ingrat, comme il disait.
A la fete de Juana, et a certaines fetes carillonnees, le Chico
s'arrangeait toujours de facon a apporter quelques menus cadeaux
que "petite maitresse" acceptait avec une joie bruyante, car ils
consistaient generalement en objets de toilette, et nous savons que la
coquetterie etait son peche mignon.
Ces jours-la, El Chico daignait accepter l'invitation a diner de Manuel,
et prenait place a la table familiale, a cote de sa maitresse, aussi
heureuse que lui.
Au coin de son atre mourant, le Chico se rememorait tristement toutes
ces choses, pendant que Juana, la-haut, s'occupait de ses hotes.
Juana, si ignorante qu'elle fut des choses de l'amour, etait bien trop
fine et deluree pour ne pas avoir devine depuis longtemps ce que le
Chico se donnait tant de peine a lui cacher. Et, de fait, il n'etait pas
besoin d'etre fort experte pour comprendre que le nain etait entierement
dans sa petite main a elle.
Si elle etait amoureuse ou non de Chico, c'est ce que nous verrons par
la suite. Ce que nou
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