rme, mais
il faut en prendre ton parti: je ne l'aime ni l'aimerai.
Et, avec une melancolie poignante qui bouleversa le nain et le
convainquit plus et mieux que n'aurait pu faire un long discours:
--Mon coeur est mort, il y a longtemps, longtemps, vois-tu, petit.
--Pauvre Juana! soupira El Chico.
--Je n'ai jamais vu d'animal aussi capricieux et biscornu qu'un
amoureux, eclata Pardaillan avec une fureur comique. En voici un qui,
tout a l'heure, me voulait poignarder pour que sa Juana ne soit pas a
moi. Et, maintenant, il gemit parce que je n'en veux pas.
Le nain rougit, mais se tut.
--Enfin, que veux-tu dire avec ton "pauvre Juana"?
--Elle vous aime, dit tristement El Chico.
--Tu me l'as deja dit. Et, moi, je te dis qu'elle ne m'aime pas plus que
je ne l'aime!
Le nain bondit. Ses traits exprimerent un tel ahurissement que
Pardaillan eclata de son bon rire sonore.
--Cependant...
--Cependant, elle t'a dit qu'elle mourrait de ma mort.
--Quoi!... vous savez?...
--Mon petit doigt, t'ai-je dit. Malgre tout, je maintiens ce que j'ai
dit. Voyons, as-tu confiance en moi?
--Oh! fit El Chico avec un elan de tout son etre.
--Bon! en ce cas, laisse-moi faire. Aime ta Juana de tout ton coeur,
comme tu l'as fait jusqu'a ce jour, et ne t'occupe pas du reste, j'en
fais mon affaire.
Le nain se precipita et ramassa la dague, qu'il tendit a Pardaillan en
disant:
--Prenez-la, nous courons le risque de rencontrer du monde, maintenant.
Quel dommage que vous n'ayez plus votre epee!
--On tachera de se tirer d'affaire avec ceci, fit tranquillement
Pardaillan, en placant avec une satisfaction visible la lame dans sa
gaine.
--Allons, dit El Chico, le voyant pret.
--Un instant, petit. Et cet or? Tu ne vas pas le laisser la, je suppose?
--Que faut-il en faire?
--Il faut le ramasser et le serrer soigneusement dans le coffre que
voici, dit Pardaillan. Ne te faut-il pas une dot pour te marier?
--Quoi! fit-il avec un tremblement convulsif, vous esperez?... dit le
nain palissant et rougissant.
--Je n'espere rien. Qui vivra verra.
Le nain hocha la tete et, considerant les pieces repandues sur les
dalles:
--Cet or!... murmura-t-il avec une moue significative.
--Je vois ou le bat te blesse, sourit Pardaillan. Voyons, pourquoi
t'a-t-on donne cet or?
--Pour vous conduire a la maison des Cypres.
--Tu m'y as conduit, puisque j'y suis encore.
--Helas! soupira El Chico, honteux.
--Tu as donc
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