--Vous me connaissez! s'ecria-t-il tres etonne. Qui vous a renseigne?
Gravement, Pardaillan leva un doigt, et, souriant, comme on sourit a un
enfant:
--Mon petit doigt! fit-il.
El Chico ouvrit de grands yeux, et considera son interlocuteur avec
crainte. L'impulsion qui le poussait vers lui lui paraissait tellement
surnaturelle qu'il n'etait pas eloigne de le croire un peu sorcier.
--Ainsi donc, continua Pardaillan, causons un peu. Et n'oublie pas que
je sais tout. Voyons, pourquoi as-tu voulu me faire tuer? Tu etais
jaloux, n'est-ce pas?
Le nain fit signe que oui.
--Bien. Comment s'appelle-t-elle? Ne fais pas la bete, tu me comprends
tres bien. Si tu ne la nommes pas, je vais la nommer moi-meme... Mon
petit doigt est la pour me renseigner.
Le nain se resigna et laissa tomber ce nom:
--Juana.
--La fille de l'hotelier Manuel? Il y a longtemps que tu l'aimes?
--Depuis toujours, tiens!
--Lui as-tu dit que tu l'aimais?
--Jamais! s'ecria El Chico scandalise.
--Si tu ne le lui dis pas, comment veux-tu qu'elle le sache, nigaud? fit
Pardaillan amuse.
--Je n'oserai jamais.
--Bon! le courage te viendra un jour. Continuons. Tu as cru que je
l'aimais, hein! et tu m'as deteste?
--Ce n'est pas tout a fait cela. C'est Juana qui vous aime!
--Tu es un niais, El Chico.
--C'est vrai, repondit El Chico avec tristesse, car il songeait au
chagrin de Juana. C'etait vrai, un grand seigneur comme vous ne peut
avoir rien de commun avec la fille d'un hotelier.
--Tu crois cela, toi? Eh bien, dit gravement Pardaillan, tu te trompes.
Et la preuve en est qu'un grand seigneur comme moi a epouse autrefois
une cabaretiere.
--Voua vous moquez, seigneur, fit El Chico, incredule.
--Non, mon cher, je dis la pure verite, fit Pardaillan, avec une emotion
profonde.
--Se peut-il? s'ecria El Chico ebahi. Quel homme etes-vous donc?
--Je suis un grand seigneur... c'est toi qui l'as dit, fit Pardaillan
avec son air figue et raisin.
--Alors, fit El Chico en palissant, vous pourriez... epouser: Juana.
--Non, par tous les diables! Pour deux raisons, dont la premiere, qui
suffirait a elle seule, est que je ne l'aime pas et ne l'aimerai jamais.
Oui, mon cher, tu as beau rouler des yeux feroces, c'est ainsi. Parce
que cette petite Juana t'apparait comme une reine de beaute, il ne
s'ensuit pas qu'il en doive etre ainsi pour tout le monde. Juana, j'en
conviens, est une delicieuse enfant, pleine de grace et de cha
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