a sourire.
Elle se leva vivement et, relevant le duc avec une grace captivante:
--A Dieu ne plaise, dit-elle, que je laisse un de nos plus fideles
sujets le front dans la poussiere.
Et, lui tendant sa main a baiser dans un geste vraiment royal, elle
reprit sa place dans son fauteuil.
--Duc, reprit-elle, quand notre epoux sera sur le trone de ses peres,
nous voulons que soient reformees les regles d'une etiquette etroite et
mesquine. Nous sommes souveraine et nous ne l'oublions pas, mais nous
sommes avant tout femme, et nous entendons le demeurer. Comme telle,
nous voulons que nos sujets puissent nous approcher sans que cela leur
soit impute a crime.
Et, designant d'un geste empreint d'une grace hautaine les hommes qui
venaient de l'acclamer:
--Ceux-ci auront ete les premiers. Ils nous seront toujours les plus
chers et les bienvenus aupres de nous.
Alors, ce fut du delire. Pendant un long moment, on n'entendit que les
vivats les plus frenetiques. Puis ce fut la ruee au pied de l'estrade,
chacun voulant avoir l'insigne honneur de toucher a la reine. Celui-ci
baisant le bout de sa mule, celui-la le bas de sa robe, d'autres
enfin--et c'etaient les mieux partages, les plus heureux et les plus
fiers aussi--effleurant le bout de ses doigts qu'elle leur abandonnait
avec une grace nonchalante, ayant aux levres un indefinissable sourire.
Et Pardaillan, qui ne perdait pas un geste, pas un clin d'oeil, admirait
aussi Fausta, reellement superbe en son abandon dedaigneux.
"Superbe, divine comedienne", murmura-t-il. En meme temps, il plaignait
les malheureux affoles par le sourire de Fausta. Enfin, il songeait a
don Cesar:
"Voyons, voyons, je ne comprends plus, moi. Cervantes m'a assure que le
Torero etait le fils de don Carlos. M. d'Espinosa m'a demande, de facon
fort claire, de l'assassiner. C'est donc que, lui aussi, le croit le
fils de don Carlos. Et il doit etre bien renseigne, je presume, ce bon
M. d'Espinosa. Or, le Torero est feru d'amour pour la Giralda, qui
est bien la plus ravissante petite bohemienne que j'aie connue--a
l'exception toutefois d'une certaine Violetta, devenue une duchesse. Le
Torero ne connait pas Fausta, du moins pas que je sache. Il est bien
decide a epouser sa bohemienne de fiancee. Donc, Mme Fausta ne peut
devenir son epouse... J'ai peine a croire a la felonie de don Cesar! Le
mieux est d'ecouter. Mme Fausta va peut-etre me renseigner elle-meme."
Le calme s'etait retabli dans l'as
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