--Je vais plus loin, continua-t-elle avec une violence qui allait
grandissant, et je vous dis ceci: Philippe, roi, qui pourrait
faire saisir, juger, condamner, executer le fils, de Carlos, son
petit-fils--ce qui serait une maniere d'assassinat legal--Philippe,
j'en ai la preuve, a attire son petit-fils dans un guet-apens et
apres-demain, lundi, a la corrida, sur un ordre, le fils de Carlos
sera traitreusement assassine. L'exemple vient toujours d'en haut. Et
maintenant je vous demande: laisserez-vous lachement assassiner celui
que vous avez choisi pour chef, celui dont vous voulez faire votre roi?
A cette revelation inattendue, le tumulte se dechaina.
Pendant un moment, on n'entendit que des menaces horribles, Fausta
etendit sa main pour reclamer le silence. Et le tumulte s'apaisa.
--Vous voyez bien qu'il nous faut frapper pour ne pas l'etre nous-memes.
L'heure de l'action a sonne. La laisserez-vous passer?
--Non! non! Nous sommes prets! Mort au tyran! Sus a l'Inquisition!
Sauvons notre roi d'abord! Mourons pour lui! Donnez vos ordres!
Toutes ces exclamations se heurtaient, se confondaient, eclataient,
rebondissaient, furieuses, sauvages, animees d'une resolution farouche.
Cette fois, ils etaient bien dechaines. Fausta les sentit prets a tout.
Un signe et ils se rueraient sur la voie qu'elle leur designerait.
--Je prends acte de vos engagements, dit-elle gravement quand le silence
se fut retabli. Nous sommes en presence de deux faits primordiaux:
premierement l'assassinat projete de votre chef. Si nous voulons, pour
la grandeur de ce pays, qu'il monte sur le trone, il faut necessairement
qu'il vive. Nous le sauverons, car lui seul peut succeder legitimement
a l'actuel roi--dussions-nous perir jusqu'au dernier, lui sera sauve.
Comment? C'est un point que nous reglerons tout a l'heure.
--Secondement, la disparition de Philippe. Ceci est l'affaire d'un plan
que j'ai etabli et que je vous soumettrai en temps utile, plan dont je
garantis la reussite et dont l'execution necessitera l'intervention d'un
tres petit nombre d'hommes. Si vous etes, comme je le crois, des hommes
de valeur et de courage, dix d'entre vous suffiront pour enlever le roi.
Un fois en notre pouvoir, le reste me regarde.
Ici, nombreuses protestations de devouement, offres spontanees de
volontaires decides a entreprendre l'expedition. Fausta remercia d'un
sourire et continua:
--Ces deux points regles, il ne reste plus qu'a faciliter l'acces
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