osent dire tout haut ce que
tous pensent tout bas: le peuple se levera en foule!
Et, avec un sourire qui en disait long:
--Les foules sont credules, elles sont feroces aussi... Il ne s'agit que
de trouver les mots qui les convainquent et alors malheur a ceux sur qui
on les a lachees! Tout se resume a ceci: la disparition d'un homme. Avec
lui, tout un systeme execrable s'ecroule. Est-il besoin de tant
combiner quand il suffit d'un peu d'audace? Que quelques hommes resolus
s'emparent de celui de qui vient tout le mal, et l'Espagne rentiere
poussera un soupir de delivrance, et ces hommes seront consideres comme
des liberateurs.
Les conjures, a ces paroles terriblement claires, furent secoues d'un
frisson de terreur. Ils n'avaient jamais envisage les choses sous cet
aspect. Ah! ils etaient loin de la timide conspiration ebauchee! Et
c'etait une femme qui osait de telles conceptions, qui, en termes a
peine voiles, leur proposait de toucher au roi; et quel roi? Le plus
puissant de la terre! Ils en etaient blemes.
Et, cependant, l'ascendant de cette femme etait tel que la plupart se
sentaient disposes a la lutte. Si formidable que leur parut l'aventure,
ils deciderent de la tenter. Un audacieux demanda:
--Le roi pris, qu'en fera-t-on?
--Le roi, dit Fausta de sa voix grave, touche de la grace divine, a
l'exemple de son pere, l'empereur Charles, le roi demandera a se retirer
dans un cloitre.
--On sort du cloitre.
--Le cloitre est une maniere de tombe. Les morts ne quittent pas leur
tombeau.
C'etait clair. Un seul eut le courage de manifester un soupcon de
scrupule. Timidement, une voix dit:
--Un assassinat!...
--Qui a prononce ce mot? gronda Fausta en foudroyant du regard
l'imprudent contradicteur.
Mais celui-ci avait sans doute epuise tout son courage, car il se tint
coi. Violemment, Fausta reprit:
--Moi qui parle, vous tous qui m'ecoutez, d'autres qui nous suivront,
que faisons-nous? Nous sommes des centaines et des centaines qui
risquons nos tetes contre une seule: celle du roi. Qui oserait dire que
la partie est egale? Qui oserait nier qu'elle n'est pas tout a notre
desavantage? Si nous la perdons, nos tetes tombent. Le sacrifice en est
librement consenti d'avance. Si nous la gagnons, il est juste que le
perdant la paie: et c'est sa tete qui roule a terre. Qui ose dire qu'il
y a assassinat? S'il craint pour sa tete, celui-la, il peut se retirer.
L'argument de Fausta avait porte cependant.
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