, et il gemit:
--Je ne veux pas! Je ne veux pas!
--Pourquoi?
--Parce que j'ai promis...
--Tu as deja dit cela. A qui as-tu promis, mon enfant?
Rien ne saurait rendre la douceur affectueuse avec laquelle le chevalier
prononca ces paroles. La voix etait si chaude, si caressante; il se
degageait de toute sa personne des effluves sympathiques si puissants
qu'El Chico en fut remue jusqu'au fond des entrailles. Son pauvre
petit coeur se dilata doucement et les larmes jaillirent, douces et
bienfaisantes, cependant qu'une plainte monotone s'exhalait de ses
levres crispees:
--Je suis trop malheureux! trop malheureux! trop!
"Bon! pensa Pardaillan, il pleure: le voila sauve!"
Il allongea les bras, attira le nain a lui, posa sa petite tete baignee
de larmes sur sa large poitrine, et, avec des gestes tendrement
fraternels, il se mit a le bercer doucement, avec des paroles
reconfortantes.
Et le nain qui, de sa vie, ne s'etait connu un ami, qui n'avait jamais
senti une affection se pencher sur sa detresse, se laissait faire, emu
d'une emotion infiniment douce, emerveille de sentir au contact de ce
coeur noble et genereux germer en lui la fleur d'un sentiment fait de
gratitude attendrie et d'affection naissante.
Doucement, El Chico se degagea et regarda Pardaillan comme s'il ne
l'avait jamais vu. Il n'y avait plus ni colere ni revolte dans les yeux
du petit homme. Il n'y avait plus cette expression de morne desespoir
qui avait emu le chevalier. Il n'y avait plus dans ces yeux qu'un
etonnement prodigieux: etonnement de ne plus se sentir le meme,
etonnement de ne pas reconnaitre celui dont le contact avait suffi pour
operer en lui une metamorphose qui le stupefiait.
--La! fit joyeusement Pardaillan, c'est fini, n'est-ce pas? Tu vois que
je ne suis pas aussi mauvais diable que tu croyais. Allons, donne ta
main et soyons bons amis.
Et, de nouveau, il tendit sa main a El Chico, qui baissa la tete, et,
honteux, murmura:
--Malgre ce que j'ai fait et dit, vous voulez...
--Donne-moi ta main, te dis-je, insista Pardaillan serieux. Tu es un
brave garcon, El Chico, et, quand tu me connaitras mieux, tu sauras que
je dis bien rarement ce que je viens de te dire.
Vaincu, le nain mit sa main dans celle du chevalier, ou elle disparut,
et murmura:
--Vous etes bon!
--Chansons! bougonna Pardaillan, j'y vois clair, voila tout. Parce que
tu ne te connais pas toi-meme, il ne s'ensuit pas que je ne te connais
pas, moi.
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