nain ne connaissait pas Pardaillan. Il avait de bonnes raisons de le
hair de haine mortelle. Pourquoi eut-il l'intuition que cette raillerie
aigue, cette ingenuite narquoise n'etaient qu'un masque? Comment
devina-t-il que, sous ce masque, se cachaient la bonte, la pitie, la
generosite, le desinteressement? Pourquoi, alors qu'il croyait n'avoir
que de la haine au coeur, se sentait-il attire vers cet homme deteste?
Pourquoi enfin--et ceci paraitra peut-etre une contradiction?--pourquoi
ce sourire railleur avait-il le don de l'exasperer, malgre qu'il vit
qu'il n'y avait que bonte dessous? Pourquoi? Nous constatons. Nous ne
nous chargeons pas d'expliquer.
Pour tout dire, aux mains de Pardaillan, le Chico etait un peu comme un
pur-sang sauvage aux mains d'un ecuyer consomme: il a beau se cabrer
et ruer, la main souple et ferme, sans avoir besoin de recourir a la
cravache, l'oblige a se calmer et a suivre docilement le chemin par ou
elle veut le faire passer.
Voyant qu'il se taisait, le chevalier reprit, soudain grave:
--Tu vois de quel epouvantable supplice tu me sauves! Je ne suis
pas riche, Chico, mais tout ce que j'ai, a compter d'aujourd'hui,
t'appartient. Je veux que tu sois comme un petit frere pour moi. Tu
n'auras plus besoin de te terrer comme une bete. Le chevalier de
Pardaillan veillera sur toi, et sache qu'il faut respecter ceux qu'il
aime et estime. Voici ma main, Chico.
En disant ces mots, il tendit sa main loyale, et, dans ses yeux, il y
avait comme une lueur de malice.
Le nain hesita une seconde. Un instinct particulier lui fit-il deviner
l'imperceptible malice... Aussi vivement, et comme s'il eut eu peur
de se bruler au contact de cette main qui se tendait a lui, largement
ouverte, il cacha la sienne derriere son dos.
Pardaillan ne se facha pas. La pointe de malice du regard s'accentua
d'un leger sourire.
--Hola! Chico, fit-il. Te croirais-tu trop grand seigneur pour serrer la
main que voici? Peste! mon cher, sais-tu qu'ils sont tres rares ceux a
qui je la tends ainsi.
--Ce n'est pas cela, balbutia le nain, sans trop savoir ce qu'il disait.
--Touche la, en ce cas!... Non?... Serait-ce que tu te crois indigne de
serrer ma main?
Le Chico regarda le chevalier en face, et, d'une voix qui tremblait de
honte... ou de fureur:
--Et si cela etait? fit-il d'un air de bravade.
--Oh! oh! Quoi? tu es indigne? Tu n'es pas le brave garcon que je
croyais? Quel crime as-tu donc commis?
Le nain, q
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