uana mourra et, moi, je mourrai de la mort de
Juana."
"Mais non, mais non! Je ne veux pas toutes ces morts sur ma conscience,
morbleu!"
"Si le Francais est vivant et que je le sauve..."
"Ceci est mieux!... Voyons que fais-tu en ce cas?"
"Juana sera heureuse... Le Francais l'aimera. Combinent ne pas l'aimer?
Elle est si jolie!"
"La peste soit des amoureux! Ils sont tous les memes! Ils se figurent
que l'univers entier n'a d'yeux que pour l'objet de leur flamme."
"Le Francais l'aimera et alors je mourrai."
"Encore! Decidement, c'est une manie!"
"Qu'importe apres tout! Est-ce que je compte? J'aurai repare le mal que
j'aurai fait. Je ne serai plus un assassin. Ma maitresse me devra son
bonheur."
"Superbe idee, par ma foi!"
"C'est dit. Je vais fouiller toutes les caches que je connais."
"Bon! Tu n'iras pas loin", dit Pardaillan en riant sous cape.
Et, sans faire de bruit, il se retira au fond du cachot, s'enroula dans
son manteau, s'etendit sur les dalles et parut dormir profondement.
"Si je ne le trouve pas... s'il est mort... demain j'irai le reclamer
a la princesse", continua le nain. Il grommela encore quelques mots
vagues, et brusquement eteignit sa chandelle et sortit en disant:
"Allons!"
Tout de suite, la tache noire que faisait Pardaillan etendu sur les
dalles blanches attira ses regards. Il frissonna:
"Le Francais!"
Il blemit et se sentit defaillir. Il ne s'attendait pas a le trouver si
vite... La surtout... Il s'inquieta:
"Comment ne l'ai-je pas vu en entrant? Ah! oui, la dalle le masquait et
je ne me suis pas retourne.
Aussi, comment supposer... Et moi qui ai parle tout haut!..."
Il s'approcha doucement de Pardaillan qui le guignait du coin de l'oeil,
tout en paraissant profondement endormi.
"Serait-il mort?" songea le nain.
Cette pensee le fit fremir, sans qu'il eut pu dire si c'etait de joie ou
d'apprehension. Entre le mal et le bien, la lutte avait ete longue et
rude. Maintenant, le bien triomphait definitivement; il etait bien
resolu a sauver son rival, et, cependant, on l'eut fort etonne en lui
disant qu'il accomplissait un acte heroique.
Il s'approcha encore de Pardaillan et il percut le bruit rythme de sa
respiration.
"Il dort!" fit-il.
Et, malgre la jalousie qui le dechirait, il ne put se tenir de rendre un
hommage merite a son rival, car il murmura en hochant doucement la tete:
"Il est brave. Il dort et il doit cependant savoir ce qui l'attend et
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