ur lui, Chico, qu'elle trepignait ainsi.
Lui ne broncha pas. Il n'avait meme pas senti les coups de talon
pourtant violents. Elle aurait pu le fouler et l'ecraser litteralement,
il, ne s'en serait pas apercu davantage. Il etait devenu livide. Une
seule pensee subsistait en lui, qui le rendait insensible a la douleur
physique:
"Elle deteste et maudit ceux qui l'ont attire dans un guet-apens! Mais
j'en suis, moi, de ceux-la!... Alors, elle va me detester et me maudire
aussi? Elle me chasserait de sa presence... ce serait fini, il ne me
resterait plus qu'a mourir. Mourir!..."
Et, comme si ce mot avait un echo dans son esprit a elle, elle reprit en
pleurant doucement:
--Je ne sais pas si je l'aime! Mais il me semble que je mourrai si je ne
le vois plus.
Alors, de la voir pleurer, de l'entendre dire qu'elle mourrait, comme un
enfant, il se mit a pleurer tout doucement, lui aussi. Et, en pleurant,
sans savoir ce qu'il faisait, il baisait les petits pieds et les
arrosait de ses larmes, et il repetait dans des sanglots convulsifs:
--Je ne veux pas que tu meures! Je ne veux pas.
Tout a coup, une idee lui traversa l'esprit. Il se mit debout, et:
--Ecoute, petite maitresse, dit-il avec tendresse, va te coucher et
dors bien tranquillement. Moi, je vais le chercher, et demain je te le
ramenerai.
La femme qui aime ailleurs est toujours injuste et cruelle envers qui
l'aime et qu'elle dedaigne. Tout lui est sujet a soupcons injurieux.
--Tu sais quelque chose! cria-t-elle en le secouant rudement. C'est toi
qui es venu le chercher, au fait. C'est toi qui l'as pousse a suivre don
Cesar. Qu'en a-t-on fait? Parle! mais parle donc, miserable!
--Tu me fais mal! gemit-il, sans se defendre.
Honteuse, elle le lacha.
--Je ne sais rien, Juana, je te le jure! dit-il tres doucement. Si je
suis venu le chercher, c'est pour l'amour de toi.
--C'est vrai, dit-elle, comment pourrais-tu savoir! Pour l'amour de
moi, tu n'aurais pas voulu aider a le meurtrir. Je suis folle...
pardonne-moi.
Et elle lui tendit sa main, comme une reine. Et lui, le bon chien
fidele, il saisit la main blanche qui venait de le rudoyer et la baisa
tendrement.
--Que comptes-tu faire? dit-elle.
--Je ne sais pas. Mais, si quelqu'un peut le sauver, je crois que c'est
moi... Je suis si petit, je passe partout et on ne se mefie pas de moi.
Brusquement elle le prit dans ses bras, et, le pressant sur son sein:
--Ah! mon Chico! mon cher Chico! si tu
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