me le ramenes sauf, comme je
t'aimerai! gemit-elle, retournant sans le savoir le fer dans la plaie.
Jamais elle ne l'avait serre dans ses bras comme elle venait de le
faire. Et ce baiser qui s'adressait a un autre, il le sentait bien, lui
faisait mal.
--Je ferai ce que je pourrai, dit-il simplement. Espere. Me promets-tu
d'aller te reposer?
--Je ne pourrai pas, dit-elle douloureusement.
--Il le faut pourtant... Sans quoi, demain, quand je le ramenerai, tu
seras fatiguee et il te trouvera laide.
Et il souriait en disant cela, le malheureux.
Et elle eut la cruaute de dire:
--Tu as raison. Je vais me reposer. Je ne veux pas qu'il me trouve
laide.
--Et quand il sera de retour, que feras-tu? Qu'esperes-tu, Juana?
Elle tressaillit et palit affreusement.
Qu'esperait-elle, au fait? Elle ne s'etait pas pose cette question, la
petite Juana.
Elle avait vu le seigneur francais si beau, si brave, si etincelant et
si bon aussi. Son petit coeur vierge avait battu la chamade et elle
l'avait laisse faire sans se rendre compte du danger qu'il lui faisait
courir.
Mais, devant la question si nette et si franche du Chico, elle voyait,
trop tard, l'enormite a quoi aboutissait son inconsequence. Evidemment
il ne pouvait etre question d'union entre la fille d'un hotelier comme
elle et ce seigneur francais, envoye du roi de France.
Alors, que pouvait-elle esperer?
Le Francais avait-il seulement fait attention a elle? Evidemment, elle
n'existait pas pour lui, et, s'il avait eu pour elle quelques paroles de
banale galanterie, c'etait par pure habilete sans doute, car il
n'etait pas fier et il etait si bon. Mais, de la a concevoir un espoir
quelconque, quelle folie!
--Ramene-le vivant, fit-elle, c'est tout ce que je demande. Pour le
reste, je sais bien que je n'ai rien a esperer. Le sire de Pardaillan
retournera dans son pays, et, moi, je me consolerai et l'oublierai petit
a petit. Tu me resteras, toi, mon Chico, et je t'aimerai bien, va... Nul
ne le merite plus que toi.
Cette esperance qu'elle lui donnait, sans y croire elle-meme, lui mit la
joie dans l'ame, et, pour achever de l'affoler, elle se pencha sur
lui, posa chastement ses levres sur son front et dit en le poussant
doucement:
--Va, Chico. Fais ce que tu pourras. Moi, je vais tacher de reposer un
peu en t'attendant.
XXIV
SUITE DES AVENTURES DU NAIN
Le nain s'en fut a petits pas, la tete penchee sur sa poitrine,
plonge dans des pensees
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