ment change.
Et les autres ouvrieres comprenaient fort bien qu'il s'y eternisait
uniquement a cause de Sidonie et elles en parlaient entre elles, avec de
grands yeux curieux et allumes, des que Sidonie avait le dos tourne. Par
les femmes, les hommes a leur tour etaient mis au courant; et ainsi
toute la fabrique en etait pleine, comme d'un evenement formidable, gros
de consequences passionnantes.
Sidonie ne disait rien, mais elle voyait et sentait bien ce qui se
manigancait autour d'elle. Ses jolies levres rouges etaient closes sur
son secret et parfois un sourire de felicite rayonnait dans ses yeux.
Elle regardait a peine M. Triphon pendant qu'il etait la; tres effacee,
elle faisait semblant de ne pas comprendre que tout ce qu'il disait et
inventait etait uniquement pour elle. Seulement lorsqu'il partait elle
levait un instant les yeux vers lui; et ce seul regard silencieux disait
tout: tout ce qu'elle aurait voulu et n'osait dire. Elle habitait aupres
de ses parents, avec son frere et deux jeunes soeurs, dans une jolie
petite maison aux volets verts et au toit de chaume, sise un peu a
l'ecart du village. Son pere etait jardinier de son etat et il y avait
toujours de belles fleurs le long du mur, sous les fenetres a petits
carreaux vert bouteille, qui semblaient sourire.
Et, a cote de Sidonie, enfin, se trouvait la plus jeune de toute l'equipe:
Victorine Ollewaert, la fille du petit bossu, de la "fosse aux huiliers".
Dix-huit printemps, joues rouges et rebondies, qui faisaient penser a
une pomme bien mure au mois de septembre. Ses yeux luisaient et, sans
cesse, elle souriait de ses levres vermeilles et humides. On eut dit que
de continuelles bouffees de chaleur lui montaient a la tete et qu'elle
assistait perpetuellement a des spectacles genants. Au moindre pretexte,
ses joues s'empourpraient jusqu'aux yeux. Il suffisait qu'un homme lui
adressat la parole, a propos de rien, pour qu'on lui vit la face en feu.
Et les ouvriers, prompts a decouvrir cette particularite, s'en amusaient
follement:
--Ah! bonjour, Victorine! Beau temps, hein? disaient-ils en riant.
--Comme vous dites! repondait Victorine en se sauvant, le rouge au
front.
Les hommes rigolaient, la rappelaient:
--He!... Victorine!
--Et bien, quoi? faisait-elle en se retournant avec une colere feinte.
--Quelle heure peut-il etre, Victorine?
--Regardez au cadran de l'eglise, si vous voulez savoir l'heure! jetait
Victorine, cramoisie.
Les homme
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