ietje fut expediee vers la "fosse aux
huiliers", avec la mission de ramener incontinent Poeteken; des qu'il
fut a la maison, sale et graisseux, en tenue de travail, elle
l'introduisit dans le petit parloir aupres de Mme de Beule, qui le recut
avec un visage chagrin et ennuye.
Ce n'etait pas la premiere fois que pareil evenement se produisait a la
fabrique, et, en pareil cas, M. de Beule se faisait toujours remplacer
par sa femme, pour regler l'affaire. Non pas qu'il craignit de s'en
occuper lui-meme, mais il s'emportait trop, disait-il; il se mettait
dans une telle colere qu'il serait capable de faire un malheur si le
coupable se rebiffait.
--Voyons, Poeteken, mon garcon, a quoi avez-vous pense pour faire des
choses pareilles! lui reprocha la bonne Mme de Beule, en faisant un
effort sur elle-meme pour se donner un air severe.
--Ah! oui, a quoi pense-t-on dans ces moments-la! repondit Poeteken d'un
air contrit et niais.
--Vous saviez pourtant bien que ca finirait mal, reprit Mme de Beule.
La question n'etait point directe, Poeteken se dispensa d'y repondre.
--Mais comment est-ce arrive, Poeteken! Ou avez-vous fait cela? insista
Mme de Beule.
--Au grenier, quand elle allait faire le lit du garcon d'ecurie,
confessa Poeteken.
Mme de Beule hocha la tete d'un air profondement consterne.
--Oh! Monsieur est si fache! repeta-t-elle avec un air de terreur.
Poeteken pensa que le patron n'etait peut-etre pas moins fache pour
l'aventure de M. Triphon avec Sidonie, mais il se garda prudemment
d'exprimer cette idee a haute voix. Il regardait Mme de Beule d'un air
interrogateur, comme pour lire sur ses traits ce qu'en realite elle
attendait de lui. Mme de Beule le lui apprit: se marier avec "La
Blanche" ou quitter tous deux la fabrique. Les yeux de Poeteken se
remplirent de larmes.
--Moi, je ne demande pas mieux, Madame, mais ma mere ne veut pas. Elle
dit que nous creverions de faim avant trois mois, repondit Poeteken
d'un air soumis et triste.
--Il _faut_ que votre mere veuille! dit Mme de Beule d'un ton tres
decide. Dites a votre mere, Poeteken, que c'est moi qui l'ai dit et
venez m'apporter demain matin sa reponse.
--C'est bien, Madame.
Et, penaud, Poeteken quitta le parloir. Il retrouva ses sabots qu'il
avait quittes sur la natte devant la porte vitree; il se regarda un
instant dans les carreaux qui miroitaient et lui rendaient son image
brouillee, avec les loques graisseuses et luisantes qui le cou
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