les cliquetantes pour
se meler aux choses mysterieuses qui se manigancaient pres des pilons et
Bruun etait constamment derriere l'une ou l'autre porte, a ecouter et
espionner. Seul, Pierken, comme toujours absorbe par les graves
problemes sociaux qu'il etudiait dans son petit journal, ne s'occupait
de rien; et Miel, cette espece de veau, qui ne comprenait goutte a ce
qui se passait, restait la, bouche bee et immobile, a regarder aupres
des autres.
M. Triphon devenait chaque jour plus mefiant. Il avait l'impression
qu'il se tramait quelque chose contre lui et s'inquietait de ne rien
decouvrir. Son instinct l'avertissait de bien se tenir sur ses gardes.
Le petit teilleur avait-il bavarde, comme le craignait la mere Neirynck?
Savait-on, a la fabrique, qu'il continuait a frequenter Sidonie et
allait chez elle? M. Triphon, desesperant d'elucider le mystere dans la
"fosse aux huiliers", chercha a s'enquerir dans la "fosse aux femmes".
Il y apprendrait peut-etre davantage. Mais la aussi lui fut opposee une
attitude a laquelle il ne s'attendait pas. Des que les ouvrieres
apercevaient seulement le bout de la queue de Kaboul, les conversations,
qui allaient grand train jusqu'a ce moment-la, s'arretaient net. Au
moment ou il entrait, plus un mot; ou bien, ce qu'elles disaient alors
etait d'une telle banalite que l'on n'aurait pas eu l'idee d'ecouter ou
de se meler a la conversation dans le fallacieux espoir d'apprendre rien
de serieux. De meme, la facon d'etre des charretiers avait change. Pol
faisait de droles d'allusions lorsqu'il etait ivre; et le "Poulet Froid"
parlait avec une emphase bruyante de toutes sortes de bonnes choses que
pouvaient se permettre les gens riches dans ce monde. Assez souvent
Justin-la-Craque et son aide Komel venaient se meler a l'entretien; et
alors cela devenait fou. Justin racontait des histoires a tomber a la
renverse; Komel y ajoutait un mot de temps en temps, avec ses yeux
aqueux d'ivrogne fixes avec un interet etrange sur M. Triphon, et son
long nez rouge qui semblait rire tout seul dans sa face de suie.
Enfin, a la maison aussi, M. Triphon put s'apercevoir d'un changement,
qui y rendait l'atmosphere encore beaucoup plus pesante qu'elle n'etait
deja. M. de Beule rodait par les couloirs et les pieces, gros de rage
concentree, et on voyait bien que sa femme etait dans l'abattement et
souvent ne savait comment s'y prendre pour n'etre pas rabrouee
mechamment par son mari. Une sourde irritation sui
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